HORATIO

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21/05/2014

Please continue Hamlet

PLEASE, CONTINUE [HAMLET] Ou comment le Pouvoir se rit de la Misère


A priori introductif :

J’ai entendu parler de cette mise en scène, par des alertes google. Je suis allé voir des extraits sur youtube. Pas convainquant. A priori, une parodie de justice, une mascarade.

Une alerte google m’informe que l’on joue Please, continue Hamlet pas très loin de chez moi, le 15 mai 2014 à l’Espace 1789 de St Ouen. J’appelle pour réserver. Je demande le tarif chômeur, puisque c’est le cas. Pour acheter mes places, mon hôtesse me demande « toutes » mes coordonnées bancaires. Le dispositif de la délinquance aveugle est en place, mais je veux en avoir le cœur net.

Le spectacle commence à 19h30 et dure près de 3 heures de posture inconfortable sur scène, comme au tribunal, car une partie du public est sur la scène,. Yan Duyvendak interviendra 3 fois au cours du spectacle :
- Une première fois pour présenter les acteurs (Ophélie, Gertrude et Hamlet) et les « bénévoles » de la Cour, tous acteurs de justice dans la vie civile.
- Une seconde fois avant les plaidoiries pour distribuer le dossier d’instruction ;
- Une troisième fois, avant l’entracte des délibérés pour nous présenter les conclusions des jurés au cours de ces 76 procès qui ont eu lieu jusqu’à ce jour.

Les conclusions sont terribles. Si on ne peut pas être condamné deux fois pour les mêmes faits, on peut l’être différemment selon la Cour de justice pour un même dossier d’instruction. Ce soir-là, Hamlet fut condamné à 5 ans de prisons, dont 3 avec sursis avec obligation de soins. Avant que le couperet ne tombe, les stat’ étaient : pour 76 procès, Hamlet fut acquitté 35 fois, etc. Il y a quelque chose de pourri impasse du château.

Suivons pas à pas, les étapes de ce procès.

Le dispositif :

Nous sommes à un procès de cour d’assise. On se lève donc. Le jury sera composé à l’entracte – après donc – de huit membres tirés au sort parmi le public sous l’œil bienveillant… de personne. Sur scène deux rangées d’un public bien chaleureux s’affrontent. Au centre, la table du Président de Cour :
- A sa gauche un huissier, l’avocat général, l’avocat de la partie civile et la place d’Ophélie identifiable à son maillot jaune.
- A sa droite, l’avocat de la défense et une place vide.
- Dans la salle, une femme aux cheveux rouges attire l’œil.

Le Président fait entrer le prévenu. Il a une bonne tête de vainqueur, lui aussi, avec son maillot jaune. J’ironise. Mais c’est le sentiment. Pourtant, les acteurs vont nous montrer ce qu’est le talent. Yan Duyvendak nous a prévenu, tout est improvisé. Il y a un cadre (législatif), un dispositif scénique et peut-être d’autres trucs qui m’échappent. Le tout compose une structure qui fait que notre cœur balance entre la cour de justice et la pièce de théâtre sans jamais s’arrêter sur l’une ou l’autre. Ce qui me met profondément mal à l’aise.

Interrogatoire d’Hamlet

Le Président fait une présentation de l’affaire criminelle. E un mot : la misère !
- Hamlet est né ici, en 1982, impasse du château. L’expert est dans la salle. Gertrude sera appelée à témoigner, mais en attendant, une salle lui est réservée. Elle ne peut assister à l’intervention des avocats et ne pourra prêter serment ayant un lien de parenté avec l’accusé. Elle aura droit d’user de sa mauvaise foi.
- Hamlet a été mis en accusation pour le meurtre de Polonius le 6 avril 2013. Il y a un lien avec le remariage de sa mère et de son beau-père le 6 juillet. Avec sa mère, ils ont déplacé le corps le lendemain pour le déposer dans la rue entre deux voitures.
- Hamlet est issu d’une famille déstructurée. Il a arrêté ses études. Polonius était au RSA. L’instruction a révélée la violence d’Hamlet, une forte alcoolisation. Hamlet a poignardé un rat, en portant le coup à une hauteur de 1m32.
- Le rapport d’expertise parle d’une altération du discernement au moment des faits.. Ce rapport parle de soupçons d’empoisonnement du père d’Hamlet.
- Pour Homicide volontaire, Hamlet est passible de 30 ans de réclusion.
- Hamlet n’a rien d’autre à dire que « c’était un accident ». Il n’a pas appelé les secours parce que sa mère a quitté les lieux. Et ils ont déplacé le corps parce qu’on n’allait pas le croire.
- Ophélie a été auditionnée le 8 juillet. Elle était à la fête donnée par Hamlet le soir. Du balcon elle a vu trois personnes entrer dans la chambre de Gertrude. Puis elle a entendu Polonius appeler au secours.
- D’après les observations des enquêteurs, le rideau recouvrait Polonius jusqu’aux genoux.
- Le rapport du médecin légiste dit que Polonius était alcoolisé et avait fumé. Il avait des lésions pré mortem au visage comme si on avait voulu le faire taire.

Tout ceci – d’après mes notes prises lors de l’audience – paraît confus mais suit une certaine logique. Puis vient l’intervention de l’avocat de la partie civile.

La parole est aux avocats :

Intervention de l’avocat d’Ophélie : désarçonner l’accusé et les jurés

L’avocat fait plusieurs constats qui désarçonnent l’accusé :
- l’accusé n’a pas vu Ophélie depuis 2 ans (du fait de son incarcération), et IL NE PRESENTE PAS SES EXCUSES. (Mais ceci est normal, car c’est l’autre qui excuse ou pas).
- L’avocat évoque la restitution des lettres, le matin même au café. Pour Hamlet, il était normal qu’ils se soient engueulés.
- Dans la chambre, Hamlet s’engueulait avec sa mère, il a entendu « un petit bruit ». Il a simplement voulu faire taire ce bruit.

Alors panique ou sang-froid, lorsqu’on déplace le corps le lendemain, en le roulant dans un tapis ?

Réquisitoire de l’avocate générale : agresser l’accusé pour exhorter sa violence

L’avocate se pose plusieurs questions :
- Le soir des faits, est-ce que la rupture entre Hamlet et Ophélie était consommée ?
- On avait beaucoup bu ce soir-là. LE TON MONTE avec l’avocate générale pour « un petit bruit ».
- La rencontre au bar était organisée par Polonius. Nous avons le témoignage de la mère qui dit que Hamlet était dans un état de rage envers Ophélie.
- Polonius avait 2.41 gramme d’alcool dans le sang et avait fumé du cannabis. Comment pouvait-il ne pas être bruyant caché derrière son rideau.
- Hamlet avait toujours un couteau sur lui.
- L’objet de la dispute dans la chambre de Gertrude : un sketch organisé par des potes, l’un prend la femme de l’autre. Claudius arrête la fête et part.

Intervention de l’avocat de la défense : défaillance du dossier

L’avocat de la défense cherche à mettre en évidence l’absence de mobile pour le meurtre de Polonius :
- Hamlet est déstabilisé par la remariage de sa mère, deux mois après le décès de son père.
- Où est Polonius à l’arrêt du sketch ?
- Hamlet a autant de ressentiments envers Polonius qu’envers Claudius.
- Hamlet a une seconde hallucination le soir du meurtre : son père n’est pas mort d’une crise cardiaque, mais a été empoisonné.
- La chambre est dans la pénombre : Polonius n’est pas vu.
- L’avocat demande à Hamlet de mimer la scène du crime. Il n’y a pas eu de bataille avec Polonius.
- Pourquoi avoir déplacé le corps : « les flics sont pas de notre côté »

LE CORPS DU DEFUNT MARI N’EST PAS EXHUME POUR VERIFIER LE POSSIBLE ASSASSINAT.

Les témoins :

Appel à témoins : Gertrude

CLAUDIUS N’EST PAS CITE A COMPARAITRE, NI MEME LES AUTRES INVITES DE LA SOIREE.

Où il apparaît que la mauvaise foi de la mère servira à charger l’accusé. La mère nous est présentée comme une femme sans profession, qui ne peut pas prêter serment du fait de son lien de parenté avec l’accusé. Elle témoigne :
- Du fait de mon remariage, c’était une époque spéciale. Depuis quelques temps Claudius et Polonius s’interrogeaient sur le comportement d’Hamlet.
- Je ne sais pas pourquoi, depuis le matin on avait bu et fumé.
- Dans ce spectacle (sketch), il était fait allusion à la responsabilité de Claudius dans la mort d’Hamlet senior. Claudius arrêt la fête ; il vomit et s’endort dans les WC.
- Gertrude reconnaît sa responsabilité : si Polonius n’avait pas été là, il ne serait pas mort. Dans la violence de la dispute, j’avais oublié qu’il était là, derrière le rideau. Il y a eu ce « bruit »…
- Oui, on a des rats à la maison ; tous les ans on a droit à la dératisation.
- « Si je lui avait dit pour la présence de Polonius, on ne se serrait pas engueulés avec Hamlet » - c’est vrai qu’ils posent des questions cons ces avocats !
- Lorsque Polonius est tombé, poignardé, « j’ai dit : « on va chercher Claudius, il va savoir quoi faire ». Je ne sais pas pourquoi le corps a été déplacé.

Questions de l’accusation :

Je ne sais plus très bien pourquoi, l’avocat parle d’un brevet de secourisme (celui de Gertrude ?). Elle aurait du comprendre que Polonius n’était pas mort.
- Pourquoi travestir la vérité lorsqu’elle sort chercher de l’aide. « Je ne voulais pas dire devant les autres, dit-elle. Quand je suis revenue dans la chambre, il n’y avait plus personne. Alors j’ai nettoyée. La panique. » Polonius était sur le balcon. Pas de traces, pas d’existence.
- « Personne n’a crié, s’il avait crié, il serait toujours là. »
- « Ophélie était comme ma fille. »

Question de l’avocate générale :

C’est au tour de l’avocate générale, de titiller le témoin. Elles constate que :
- ses déclarations évoluent,
- il y a eu déplacement du corps.
- A 2 heures du matin, Polonius a appelé Hamlet, mais Hamlet ne savait pas pour sa présence dans la chambre.
- Ophélie a déclaré : « Gertrude est sortie, elle m’a dit s’être engueulée, et : « Claudius va s’en occuper ». »
- Le médecin légiste relève des lésions pré mortem. Le décès de Polonius n’a pas été immédiat.

Questions de la défense :

L’avocat de la défense insiste sur les circonstances atténuantes :
- Hamlet a mal vécu le remariage de sa mère ;
- Il avait des hallucinations ;
- Le rapport du psychiatre fait état d’une relation fusionnelle avec la mère ;
- Gertrude est née sous X et fut maltraitée.
- « Un rat ? Oui nous avons des rats. »
- « Polonius a poussé un cri. Il n’a pas appelé au secours, explique Gertrude. »
- « Oui, j’ai peur des morts-vivants ; à une époque je faisais des cauchemars, mais je n’ai pas envie d’en parler. »

Après sa déposition, Gertrude est invitée à quitter son isolement pour rejoindre le public.

Avant l’appel à la barre d’Ophélie, Yan Duyvendak interrompt la représentation. Il prévient que rien n’est écrit sauf le dossier d’instruction. Tous les dialogues sont improvisés par les magistrats bénévoles et les réponses improvisées par les acteurs.

Parfois la salle rie, mais le Président rappelle à l’ordre : nous sommes au tribunal. Parfois le metteur en scène vient nous rappeler le cadre de la performance : nous sommes au théâtre.

Appel à témoins : Ophélie

Ophélie raconte : « Je n’étais pas dans la chambre. J’étais à la fête. Claudius, il a arrêté le truc, il s’est senti mal. (…) Je fumais sur le balcon quand j’ai vu Gertrude entrer dans sa chambre avec mon père. Hamlet est entré après. J’ai entendu : au secours ! Gertrude est sortie pour me dire que je pouvais rentrer chez moi. (…) Mon père « saoulait » Hamlet. (…) C’est vrai mon père buvait, mais il ne devenait pas méchant. (…) Depuis qu’on était ensemble, mon père surveillait mes fréquentations, il se mêlait de mes histoires. (…) Depuis la mort de son père, c’est plus pareil, ce n’est plus la même personne. Hamlet traitait Polonius de « bouffon ». »

« Si Hamlet avait des raisons de tuer mon Père ? Il y a mille scénario possibles. A la mort de son père, il est devenu violent.

Questions de l’avocat de l’accusation :

L’avocat souhaite poser des questions à sa cliente.
- Il rappelle que sa cliente a entendu le cri d’un homme. C’est après qu’elle a réalisé qu’il ne pouvait s’agir que de son père. Ophélie réalise : « Si j’étais entrée, il ne serait peut-être pas mort ».
- La victime est décrite comme un bouffon qui a eu tord d’être là au mauvais moment.
- Hamlet est décrit comme une bombe à retardement.
- Ce soir-là, Polonius portait des baskets orange. Hamlet n’a pas pu manquer ça.
- Ophélie réalise : « Je ne suis pas la fille d’un rat. »

Question de l’avocate générale : état de confusion

L’avocate veut montrer les photos de la paire de chaussures, qu’elle ne retrouve pas dans ses papiers.
- « Hamlet a été violent au bar parce qu’il a pensé que mon père voulait me forcer à le quitter, répond Ophélie. »
- « Si j’étais maquillée pour lui rendre ses lettres, c’est parce que j’étais super mal. »
- « - Est-ce qu’il s’est douté que la rencontre était organisée par mon père ? (…) J’espérais qu’il me dise…"
- Suspicion de violence à l’égard d’Ophélie : « Il savait quoi dire pour me blesser. Mais il ne m’a jamais frappée. »
- Ce soir-là étiez-vous toujours ensemble ? La rupture est intervenue après l’entrevue, précise Ophélie.

Questions de l’avocat de la défense :

Aux questions de l’avocat de la défense, Ophélie répond :
- J’adorais être avec lui avant la mort de son père.
- Polonius le saoulait, c’est vrai. Mon père m’encourageait à sortir avec lui avant la mort de son père.
- Pendant ses études, il vous a écrit de nombreuses lettres, précise l’avocat ; pourtant vous les lui rendez ? « Il me faisait souffrir. C’est ce qui a foutu en l’air la vie de mon père. »
- Vous entendez un cri et tout de suite vous pensez à votre père ?
- Le Président de la cour, interroge : qui d’autre aurait pu crier ?
- « J’ai pensé à lui parce qu’il est le seul à n’être pas sorti de la pièce. (…) C’est une fois rentrée chez moi, que j’ai compris que c’était mon père. Sur le moment j’ai pensé à Hamlet.
- L’avocat rappelle la présence de lésions labiales qui montrent que Polonius a été empêché de crier.

LES LETTRES NE SONT PAS DES PIECES A CONVICTION

Hamlet est rappelé à la barre :

L’avocat d’Ophélie a des questions à lui poser, à propos des baskets oranges. Comment se fait-il qu’il n’ai pas vu Polonius ? L’avocat s’emmêle les pinceaux. Hamlet lui rappelle qu’il n’a pas crié au secours.

L’avocat reprend : à 4 heures du matin, vous avez tenté de joindre Ophélie au téléphone « pour tout lui dire ». Quoi ? Rien, le rat, la vérité ? Mais Hamlet n’a pas réussi à la joindre.

L’avocat de la défense n’a pas de questions.

Point de vue de l’expert :

Le psychiatre n’est pas l’auteur de l’expertise. Il vient témoigner sous serment, pour son confrère excusé. Il est d’accord avec l’expertise mais pas avec les conclusions.

- Hamlet entend des voix et fait le projet de tuer Claudius. Il y renonce.
- Il entend des voix une deuxième fois…
- Père absent (oedipe mal résolu) /mère fusionnelle…
- A la mort de son père, Hamlet se réconcilie avec lui – sa pensée a tué le père.
- Pas d’éléments psychotiques. Personnalité « Border line ».
- Dans la chambre, Hamlet assiste à une dispute de couple.
- L’alcoolisation favorise le passage à l’acte (désinhibition)

Conclusion de l’expertise : L’expertise fait état de troubles psychiques mais il n’est pas question d’abolition. Hamlet est donc en partie responsable et doit se soigner.

Là où le psychiatre n’est pas d’accord, c’est sur l’absence d’éléments psychotiques :
- Il y a bien encrage dans la réalité parce que le corps est déplacé ;
- Mais il y a irresponsabilité totale parce que Hamlet sort de sa léthargie avec la chute du corps de Polonius.

Le psychiatre recommande une hospitalisation, car la prison rend les demi-fous complètements fous. Elle n’est pas un lieu de soins.

Intervention de l’avocat de l’accusation :

L’avocat d’Ophélie prétend que nous assistons à une méta expertise. Le psychiatre maintient sa position. Il n’est pas venu lire l’expertise d’un confrère, mais apporter ses propres conclusions.

Intervention de l’avocate générale :

- Altération du discernement veut dire atténuation.
- L’expertise révèle un état de dangerosité au moment des faits mais pas aujourd’hui. Il n’y a donc pas nécessité de soins.
- L’expert rapporteur fait une lecture différente de l’expertise. Ses conclusions sortent du contexte de l’expertise.

Avocat de la défense hors jeu (délai) :

Le Président de la Cour veut des réponses claires. Il veut savoir si une contre-expertise est nécessaire. L’avocat d’Ophélie ne demande pas de contre-expertise, et s’en remet à l’appréciation de la Cour. L’avocate générale s’y oppose.

NOUS VENONS D’ASSISTER A DES DIVERGENCES D’INTERPRETATIONS ENTRE EXPERTS PSYCHIATRES (ECOLES MEDICALES DIVERGENTES) ET A UNE CONFRONTATION DE POUVOIRS INSTITUTIONNELS (JUSTICE – PSYCHIATRIE).

NOUS VENONS D’ASSISTER A UNE CONFRONTATION ENTRE POUVOIRS INSTITUTIONNELS (JUSTICE – THEATRE) : UNE JUSTICE SOUS INFLUENCE, CELLE DU METTEUR EN SCENE QUI IMPOSE LA REGLE DES 3 HEURES POUR CE SPECTACLE.

LES AVOCATS ETAIENT EN DROIT DE DEMANDER UNE CONTRE-EXPERTISE. MAIS CELA AURAIT VOULU DIRE : FIN DU SPECTACLE.

QUELQUE SOIT L’ECOLE MEDICALE (PSYCHIATRIE, PSYCHANALYSE…), IL N’EST NULLEMENT QUESTION AU COURS DE CE PROCES D’EXHUMMER LE CORPS D’HAMLET PERE POUR UNE AUTOPSIE, POUR VERIFIER LES FONDEMENTS D’EMPOISONNEMENT ET, PAR CONSEQUENT, UN POSSIBLE ENCRAGE DES HALLUCINATIONS DANS LA REALITE. LA MEDECINE SE NOURRIT DONC DU FANTASME DE L’ŒDIPE POUR CATEGORISER LES INDIVIDUS ET PRETENDRE LES SOIGNER.

Hamlet n’a pas d’autre défense que celle de la défonce, et se dit désolé de ce qui s’est passé. Il veut seulement qu’on le croit.

Le juge met un terme aux débats. Viennent les plaidoiries. Je crois que c’est au cours de cet interlude, que Yan Duyvendak distribue le dossier d’instruction dans le public.

Le dossier d’instruction comporte :
- l’ordonnance de mise en accusation ;
- les auditions de Claudius, Gertrude, Hamlet, Ophélie ;
- Le procès verbal de première comparution ;
- Des photos ;
- Un rapport d’autopsie ;
- La synthèse du médecin légiste ;
- L’expertise psychiatrique ;
- Un certificat de dératisation.

Les plaidoiries :

Plaidoirie de l’avocate générale :

(…) Les jurés auront à se prononcer sur la culpabilité d’Hamlet ? S’il y avait altération de sa personnalité au moment des faits ? S’il est coupable de violences à l’égard de Polonius ? Si les coups ont été porté volontairement ?

Elle retient comme circonstance aggravante, le fait qu’il portait une arme.

Plaidoirie de la partie civile :

Les jurés devront déterminer si Hamlet a agressé volontairement ou non Polonius, mais il auront à se prononcer aussi sur la peine qu’il encourt… Et la peine d’Ophélie qu’en est-il ?

Nous sommes en présence d’un Hamlet désarmant, absent à son procès… Il prenait le père de ma cliente pour « un bouffon »… C’est bien lui qui poignarde sans mobile… Pourtant il y a la rupture, les espions… Polonius veut protéger sa fille depuis qu’Hamlet est devenu fou, depuis la mort de son père… Dans la chambre, il ne voit rien, il n’entend rien, si « un petit bruit »… Un cri – appel à 4 heures – elle ne répond pas – la police arrive – qui a proféré ce cri – 2 grammes cam (lapsus)…

« Une stratégie de défense qui laisse Ophélie dans la nuit ! »

Plaidoirie (Réquisitoire) de l’avocate générale :

Nous avons une rupture qui déclenche un état de colère, les déclarations d’une mère qui atteste que c’est Polonius qui a fait venir Hamlet dans la chambre. Hamlet savait donc pour sa présence.
Nous savons que Hamlet considérait la victime comme un « bouffon ». Il était dans un état dépressif majeur. Le rapport du médecin légiste dit que le décès n’a pas été immédiat et qu’il a été empêché de crier. Ce même rapport précise que le coup porté a été d’une extrême violence : 2 côtes cassées, lésions pré mortem dues à une bagarre, lésions post mortem liées au déplacement du corps.
Nous pouvons conclure à une altération psychique (et non à une diminution des facultés). Il y a eu nettoyage et divulgation du corps. Il y a altération mais rationalité pour échapper à la conséquence de son acte.
L’alcoolisation n’est pas une circonstance atténuante.

- Pour l’intention d’homicide, l’avocate requiert 12 ans de réclusion criminelle.
- Si il y a requalification en violences volontaires sans intention de donner la mort – avec arme = 10 ans
- Par manques d’éléments, la peine ne sera pas assortie d’une injonction de soins.

Plaidoirie de l’avocat de la défense :

Au moment des faits, Hamlet est dans un état second… Dans la chambre, avec la chute du corps de Polonius, il se produit un retour à la réalité… L’expertise conclue à la nécessité de soins.

Trois personnes savent ce qui s’est passé : Poonius, Gertrude, Hamlet… Tout est incertain, sauf les déclarations et la mort de Polonius.

L’amour de Gertrude pour son fils est indiscutable ; mais comment peut-on croire quelqu’un qui a peur des morts vivants ?

Gertrude engueule son fils qui est dans son monde… Hamlet est hors de lui… C’est un accident… Il n’y a pas de volonté de tuer Polonius car il n’en a pas les moyens intellectuels… Comment peut-on condamner un innocent ?

Qui a crié ? Polonius ? Hamlet ? Comment peut-on condamner, si on a le moindre doute ?

Défense d’Hamlet :

Hamlet n’a rien à ajouter. C’est un accident.

LA CONFUSION EST A SON COMBLE !

Délibérés des jurés et verdict :

Lecture de l’article 353 de la procédure Pénale :

Le Président fait lecture de l’article 353 sur l’intime conviction des jurés :

"La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? "."

Constitution du jury :

Les 8 jurés nommés et appelés sur scène par le Président, prêtent serment. Ils sont conviés à se retirer pour les délibérés dans une autre salle sous l’œil bienveillant du Président. Pendant l’entracte de 20 minutes, une vidéo muette projette la séance des délibérés du jury.

C’est au terme de ces 20 minutes que Yan Duyvendak nous donne les statistiques des 76 précédents procès (35 fois acquitté, 35 fois condamné…)

LA JUSTICE EST MISE SUR LE BANC DES ACCUSES

Le verdict :

Le juge rend le verdict : 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, assortie d’une obligation de soins. Le prévenu ayant déjà fait 2 ans, il est relaxé ; il n’a pas le droit d’entrer en contact avec la victime.

Hamlet a 10 jours pour faire appel.

A la fin de ce spectacle, le public applaudit, mais quoi ? Une audience ? Du théâtre documentaire ? ou de la justice-fiction ? Les acteurs disparaissent et ne reviendront pas sur scène !

Mes conclusions :

Ce « spectacle » m’invite à m’interroger sur cette pratique judiciaire qui consiste à s’en remettre à l’intime conviction des jurés pour se dédouaner des erreurs judiciaires, et des procédures judiciaires en général. Cette pratique a cessé dans de nombreux pays européens, vu ce que j’ai lu dans la presse.

J’ai eu le sentiment d’aller à la mise à mort d’un prévenu, comme au Moyen-Âge on allait sur la place publique pour assister à une exécution. L’abolition de la peine de mort est loin d’être suffisante.

Le parallèle entre une histoire vrai – dont est tiré le dossier d’instruction – et Hamlet, est une manipulation de plus (notamment le parallèle « de la dépendance à l’état » entre une mère « sans profession » et une reine, Gertrude). Mais elle a le mérite de rejoindre une de mes questions clés pour l’analyse du Hamlet de Shakespeare :

Comment Hamlet – et son public – peut-il prendre Polonius pour Claudius dans la chambre de Gertrude, alors qu’il vient de croiser ce dernier en prière juste avant d’aller à la rencontre de sa mère ? C’est tout l’intérêt et l’enjeu de mes analyses sur ce blog.

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