HORATIO

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18/09/2012

Phallophanie

PHALLOPHANIE

Dans tous les deuils mis en question dans Hamlet, toujours revient ceci, que les rites ont été abrégés, clandestins :

1) Polonius est enterré secrètement pour des raisons politiques ;
2) Ophélie jetée en terre non consacrée ;
3) Le père a été surpris dans la fleur de ses pêchés. Il n’était donc rien d’un saint.

D’un bout à l’autre, Lacan rappelle qu’on ne parle que de deuil. Le deuil qui fait le scandale du remariage de sa mère. L’enterrement du vieil Hamlet semble s’être fait comme il se doit, mais le deuil a été écourté par le remariage précipité. Et c’est bien là-dessus que commence la pièce, Gertrude semble heureuse avec son nouvel époux. Est-ce ce qui plonge Hamlet dans la mélancolie ? Est-ce la place qui rend heureuse sa mère qui lui a été ravie par Claudius ou, la place qui rend heureux Claudius qui a été ravie par sa mère ? La place d’Hamlet, objet de toutes les gratifications pour sa mère dans la structure familiale, reste inchangée avec l’oncle en lieu et place du père.

Mais Hamlet amoureux de son oncle, se voyant ravir cet objet par sa mère, en a été que plus trompé par son oncle qui s’est servit de lui pour gagner les faveurs de sa mère – c’est la désillusion de l’amour. Car il faut dire que dans le discours de Lacan sur la désillusion de l’amour due aux larmes menteuses de Gertrude pour Hypérion, Hamlet n’intervient pas comme objet.

Lacan aborde la question de l’objet en tant que le sujet s’y identifie dans le deuil. Le fond de ce deuil, c’est, dans Hamlet comme dans Œdipe, un crime. La tradition analytique situe Hamlet au centre de la méditation sur les origines. Il y a, écrit Lacan, deux étages :
1) Celui du crime illustré dans Totem et tabou : ce mythe indique que l’ordre de la loi ne peut être conçu que sur la base d’un crime primordial ;
2) Celui de la reproduction de la loi par le héros tragique. Œdipe répond à la définition du mythe comme reproduction rituelle. Œdipe accomplit à son insu le renouvellement des passes qui vont du crime à la restauration de l’ordre. Il assume la punition, la sanction la castration – clé cachée de l’humanisation de la sexualité.

3) Il y a à mon avis un troisième étage, à situer au même niveau que le deuxième. Là où l’Œdipe serait la reproduction inconsciente du crime primordial : il aurait voulu coucher avec sa mère et tuer son père, il manque à ce tableau la partie négative du complexe, qui trouve son expression dans Hamlet ou le meurtre de la mère. Hamlet, très attaché à son oncle, se voit ravir cet objet par sa mère. Les sentiments Oedipiens négatifs : il aurait voulu coucher avec son père et tuer sa mère, trouvent leur résolution dans la scène macabre finale. D’une position d’être le phallus, Hamlet, après sa mort, passe à une position de l’avoir. Là où « Œdipe accomplit à son insu le renouvellement des passes qui vont du crime à la restauration de l’ordre » Hamlet le fait « à notre insu ».

C’est là je crois qu’il nous faut discuter le point suivant : « Le crime, nous dit Lacan, se produit dans l’Œdipe au niveau de la génération du héros. Dans Hamlet, il s’est déjà produit au niveau de la génération précédente ». Dans Hamlet, le coup vient le frapper partant d’un point d’où il ne l’attend pas, véritable intrusion du réel. Cette irruption du crime est compensait par le fait que le sujet sait.

Le drame d’Hamlet, contrairement à celui de l’Œdipe, ne part pas de la question – Où est le crime, le coupable ? Dans l’Œdipe le S(A barré) est incarné par le Père, l’auteur de loi, qu’il ne peut garantir, pour autant qu’il est le père réel, le père châtré. Dans Hamlet l’Autre s’avère d’emblée barré. L’Autre est rayé de la surface des vivants et de sa juste rémunération. L’investigation de Lacan nous mène à nous interroger sur la rétribution et sur la punition, c’est-à-dire ce dont il s’agit avec le signifiant phallus dans la castration.

Rétribution n’est pas sans évoquer les places. Il nous faudra revenir sur celle de fou prise par Hamlet. Lacan ne le prend pas par ce bout là. Quoique ! Il s’interroge qu’est-ce qui donne sa valeur au phallus ? Freud répond : une exigence narcissique du sujet. Si le sujet laisse sombrer la relation Oedipienne, c’est en raison du phallus, introduit dès l’origine à partir du narcissisme.

Le sujet a à faire le tour de son rapport au champ de l’Autre, c’est-à-dire au champ organisé du symbolique dans lequel son exigence d’amour a commencé à s’exprimer. C’est à l’issue de ce tour que se produit, pour lui, la perte du phallus. Il répond à l’exigence de ce deuil avec sa texture imaginaire. Le lien narcissique du sujet à la situation, ce sera par exemple, dans la psychose, le phénomène hallucinatoire.

Le sujet se représente sur le plan imaginaire le manque, et sa position dans la fonction génitale. Le rapport à l’objet génital est un rapport de positif à négatif qui est à articuler à R.S.I. :

- Castration, action symbolique sur l’objet phallique imaginaire (le sujet parlant marqué du signe de la parole). Le sujet apparaît dans une syncope du signifiant ;
- Frustration, terme imaginaire en rapport à un terme réel (la mère : lieu de la demande d’amour qui fait tourner en symbole de son amour ce dont le sujet est privé, le sein) ;
- Privation terme réel en rapport à un terme symbolique (le A de l’Autre où s’articule la demande : tout ce qui se passe du fait de la mère prend sa valeur). La position radicale du sujet au niveau de la privation, en tant que sujet du désir, c’est de n’être pas le phallus.

Le sujet en tant que réel est dans un rapport avec la parole qui conditionne chez lui une éclipse, un manque fondamental. Au niveau du symbolique, il s’agit du rapport à la castration. Lacan cite alors des paroles d’Hamlet qui seraient la marque, qui illustrerait la forme décadente de l’Œdipe, son déclin – O malédiction, que je ne sois né jamais pour le remettre droit.

Pour Freud, en 1924, l’énigme de l’Œdipe, c’est que c’est dans l’inconscient. Pendant la période de latence, le sujet ne s’en occupe plus. Et il entre dans cette période quand le sujet éprouve la menace de la castration, quelque soit les deux aspects qu’implique le triangle. Par rapport au phallus, le sujet est pris dans une alternative close qui ne lui laisse aucune issue. Le sujet entre à l’égard de cette chose, dans un rapport de lassitude quant à la gratification.

L’Œdipe entre dans son déclin dans la mesure où le sujet a à faire son deuil du phallus. Les fragments incomplètement refoulés de l’Œdipe, ressortent à la puberté sous la forme de symptômes névrotiques. Pour les analystes, de ce déclin dépend la normalisation du sujet sur le plan génital dans l’économie de son inconscient et dans son imaginaire. Lorsque Lacan nous dit que Hamlet est bourré de symptômes psychasthéniques ; qu’il nous montre de la névrose ? Que faut-il en déduire sur le plan de l’Œdipe ?

Que devient le sujet en tant qu’il a été symboliquement castré ? Il l’a été au niveau de sa position de sujet parlant et non au niveau de son être. Il a donc à faire le deuil de ce qu’il a apporté en sacrifice à la fonction du signifiant manquant. C’est ici que Lacan introduit (- ). Ce qui doit attirer le sujet et guider son comportement en fonction des images biologiques, est soustrait au plan imaginaire (privation). Cette fonction, (- ), sert à définir l’objet « a » du désir, dans la mesure où c’est cet objet qui soutient le rapport du sujet à ce qu’il n’est pas : le phallus.

En d’autres termes, dire comme le fait Lacan, que (- ) sert à définir l’objet « a » du désir, tel qu’il apparaît dans le fantasme, revient à dire que si Ophélie est l’objet « a » - dans son rapport à cet objet il devient impossible de dire que Hamlet est homosexuel. La clinique, la lecture attentive de la pièce semble démontrer le contraire. Le fantasme est à chercher du côté de l’analyste et de son déni.

Quelle est la fonction de la phase phallique dans la formation et la maturation de l’objet ? Lacan répond : le phallus est partout présent dans le désordre qui est celui d’Hamlet chaque fois qu’il approche des points brûlants de son action. Lacan repère enfin :
- La façon étrange dont Hamlet parle de son père mort : une exaltation idéalisante de son père qu’il résume ainsi : il ne trouve rien d’autre à dire, sinon que celui-ci était comme tout autre ( ?).
- Une dénégation : le mépris jeté sur Claudius – après le meurtre du père le phallus est toujours là, et c’est Claudius qui est chargé de l’incarner.
- Hamlet a à frapper autre chose que ce qui est là, le phallus. Derrière la tenture il ne peut pas penser qu’il s’agisse de Claudius puisqu’il vient de le laisser à ses prières à l’instant.

Le phallus, c’est ce qu’il s’agit de frapper et Hamlet s’arrête toujours. Il ne pourra jamais l’atteindre, jusqu’au moment où il fera le sacrifice complet de tout attachement narcissique. Mais ce sacrifice, il l’a fait depuis le début : il n’attache pas plus d’importance à sa vie qu’à une tête d’épingle.

Cet objet x dont Freud nous montre la fonction dans l’homogénéisation de la foule par identification, Lacan s’en sert pour faire école, non pas pour dire de Shakespeare qu’il est averti de ce que le comte d’Essex est pourvu d’une petite chose qui fait le plaisir des femmes mais pour éclairer sa position créatrice invertie sur le plan sexuel. La position de qui ? de Shakespeare ou de Lacan ?