HORATIO

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/07/2012

Objet de la recherche

Objet de la recherche :

« Hamlet semble avoir été réduit à figurer un enjeu théorique. » (p33) Yannick Butel se propose de trouver les rapports entre les personnages afin d’établir les liens entre les scènes et les contradictions du texte, de rechercher la cohérence de l’action et du discours - en ne négligent pas les différentes interprétations de la pièce qui en sont faites. L’auteur proposant lui même, sa propre interprétation.

Ce qui fait l’irréductibilité de cette pièce, nous dit Yannick Butel, « concerne le discours, la production du discours et les enjeux de pouvoir qui lui sont inhérents. » (p35) Il prête donc à Hamlet, une rigueur scientifique dans l’exposé qui est fait des différentes formes de discours et leur façon d’être assujetties au lieu et à la personne qui les produit. « Hamlet fait sens, selon nous, pour ce savoir, cette vérité qu’il énonce sur le discours. »

La formulation est étrange, puisque c’est le discours qui énonce ces vérités sur Hamlet. C’est cette inversion qui permet à Yannick Butel d’affirmer que la fable, la fin et la signification de l’œuvre universelle sont si peu évidentes qu’il est permis d’en donner des interprétations aussi diverses que contradictoires.

L’auteur nous propose une lecture d’Hamlet à partir d’un outil méthodologique dont l’intérêt repose autant sur ce qui sera dit d’Hamlet que sur la façon de le dire, c’est-à-dire autant du côté de l’élucidation des résistances du texte que du côté du discours signifiant utilisé pour rapporter le sens de ce qui est à lire (p36). « C’est douter que l’on est compris quelque chose quand la mort surprend la quasi-totalité des protagonistes à la dernière scène du dernier acte sans que la vengeance soit manifeste et incontestable. »

Yannick Butel énumère alors, à l’instar de Jean Paris dans son Hamlet ou les personnages du fils (éd. Du Seuil 1953, pp 88-89) nombre d’interprétations parmi lesquelles certaines sont emblématiques du discours signifiant de la psychanalyse (p38). Il se propose d’en rester au texte et de ne pas extrapoler sur le contexte historique ou sur la biographie de l’auteur. L’important étant de se poser une question pertinente. Certaines questions comme Hamlet est-il fou ? Le spectre est-il juste ? Claudius est-il coupable ? etc. ne sont pas sans réponse, mais « assujetties à l’expérience du lecteur et à son rapport au sens » (p39). Certes, mais répondre à la question : Hamlet est-il fou ? sans en référer au contexte historique est insensé. C’est refuser de répondre à la question ou répondre de manière erronée. C’est insensé de comparer un discours ou des comportements analysés comme ceux de la folie en référence à la mélancolie du 16ème siècle, avec ceux de la folie du 21ème siècle. C’est insensé d’analyser le discours ou les comportements d’Hamlet comme étant ceux de la folie sans tenir compte des renseignements sur cette folie fournis par l’entourage d’Hamlet. Or nous savons que l’entourage d’Hamlet le place du côté de la folie (voir mes Arguments). La question importante est de savoir à partir de quand ?

La difficulté de Yannick Butel devrait donc résider dans le fait d’affiner les questions. Ce n’est pas ce que fait l’auteur. L’auteur pose une série de questions qu’il attribue au lecteur : notamment ces deux questions discutables :
- Comment le meurtre de Gonzague serait-il imitation du meurtre quand l’histoire du Danemark, pour le public de la cour, à l’exception d’un, ignore tout du régicide ?
- Pourquoi Claudius réagirait-il et entreprendrait-il d’éliminer Hamlet quand pas un ne voit ce qui se dit et n’entend ce qui se trame, à l’exception du roi dont le comportement montre des signes d’inquiétude et d’alarme ? (p41)
« Assurément, les questions que le lecteur se pose à la lecture d’Hamlet sont fondées. » Sauf que ce sont les questions de l’auteur qui préparent déjà, le lecteur à recevoir un discours trompeur. Car les oreilles du Danemark n’ignorent pas « tout » du régicide. Elles ont été abusées pas une histoire de serpent. Et Yannick Butel se permet pages 72, 138, 156, 176, 199 d’utiliser le fait que les ordres de mission de Guildenstern et Rosencrntz sont scellés avant la mort de Polonius, pour « prouver » le machiavélisme de Claudius dans le premier chapitre de la deuxième partie (p109) et l’innocence de Gertrude au chapitre 2 (p118). Nous y reviendrons.

Le propos ne correspond a aucune certitude du texte - même s’il est intéressant parce qu’il prépare une interprétation. L’auteur se garde bien de rapprocher cette vérité, du savoir de Gertrude sur cet exil (juste après la mort de Polonius dans la scène de la chambre).

Ce qui importe à l’auteur, c’est la structure de la pièce, car elle est signifiante est fait sens ; « c’est autant la structure que les mots qui forment le cadre de ce sens. (p39) » Ce n’est pas encore le sens. Yannick Butel, invite le lecteur à s’affranchir d’une lecture linéaire pour percevoir la structure d’un ensemble qui fait sens. Il définit la lecture « comme une combinaison d’opérations qui repose sur la sélection et l’agencement des données textuelles ». Ainsi travaillé en expansion, la mise en réseau de ce qui est à distance dans le texte permet d’expliquer ce qui, à un moment du texte, pouvait paraître hermétique.(p41) »

Le danger de la méthode, c’est de manipuler le texte, alors que Shakespeare nous propose déjà une structure à la pièce. Chacune de ces étapes nous précipite dans une posture. Yannick Butel nous propose de lire le texte dans sa neutralité première afin de le comprendre, afin « de ne voir et de ne lire dans cette pièce de théâtre que le théâtre du texte » (p42). Et c’est pourtant ce qui ne va pas se passer.

Yannick Butel insiste : « ce qui règle la compréhension du texte n’est nulle part ailleurs que dans le texte. C’est donc le discours et les énoncés qui retiendront l’attention. » A propos d’Hamlet, il s’agit d’un texte où plusieurs discours se croisent (juridique, politique…). L’énoncé est la partie du discours qui émerge du texte pour le faire entendre. La reconnaissance de l’énoncé tient à la capacité du lecteur à le recueillir (p44).