HORATIO

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07/02/2013

Livre 4 des Gesta Danorum

Saxo Grammaticus, Hamlet,
Ed. Esprit Ouvert, 1993
Traduction de Vincent Fournier

(Une version en anglais du Hamlet de Saxo Grammaticus est accessible sur le site Gutemberg.org)

La structure du Hamlet de Shakespeare suit le récit des chroniques du livre 3. Ce livre 4 se termine par une fin glorieuse d’Hamlet au combat. Il montre un Hamlet qui a trompé son monde pour accéder au pouvoir. Il dépeint une gente féminine (la mère et la seconde épouse d’Hamlet) qui méprisent et trompent les hommes. Le Hamlet de Saxo Grammaticus est un Hamlet sanguinaire qui fait cuire l’espion dans le livre précédent avant de le donner à manger aux cochons, qui utilise les cadavres des soldats morts pour emporter la victoire dans le livre 4. Le Hamlet de Shakespeare est fasciné par la mort et joue avec les crânes de ses amis d’enfance. Il tue Polonius et fait passer le meurtre pour un accident, ce qui précipite la mort d’Ophélie. Il tue Laërte. Et il envoie Claudius et sa mère en enfer.

Le thème de la fidélité de la femme a son époux (chronique 18 du chapitre 1 et chroniques 2 et 3 du chapitre II) est représenté dans la pièce de Shakespeare par la reine de comédie qui joue dans la souricière.

L’épisode 20 du premier chapitre de ce livre est rattaché à l’exil en Angleterre du précédent livre III dans le film de Gabriel Axel, Le Prince de Jutland. Et il est magistralement représenté.

Résumé du livre IV des Gesta Danorum

Chapitre I

1 – Après le meurtre de Fenge, Hamlet est obligé de se cacher. Les gens des alentours veulent connaître la cause de l’incendie du château. Avec la découverte du corps de Fenge, les sentiments du peuple étaient partagés.

2 – Hamlet sort de sa cachette, rassemble ceux attachés à la mémoire de son père ; il leur dit : - Ce que vous voyez est la fin d’un fratricide et de votre servitude.

3 – Hamlet déclare avoir vengé son père et sa patrie. Cette tâche je l’ai accomplie seul pour ne pas vous mettre en péril.

(Ce destin, Hamlet n’a pas pu l’accomplir seul (voir chapitre 6 du précédent livre III) :
- il a fallu la complicité de son frère de lait – chronique n°8
- l’alimentation de sa folie par l’entourage de Fenge – chroniques 9 et 10
- leur silence lorsqu’il fait dévorer l’un des leurs par les porcs – chroniques 13 et 15
- et enfin la complicité de sa mère pour honorer sa mémoire un an après son départ en Angleterre – chroniques 16 et 24.)

4 – Hamlet déclare qu’il a fait brûler les corps sauf celui de Fenge, pour que le peuple puisse assouvir son désir de vengeance en portant le tyran jusqu’au bûcher.

5 – Hamlet déclare : - Mes malheurs vous les connaissez mieux que moi. J’étais menacé de mort par mon beau-père, méprisé par ma mère. Compatissez à mon infortune. Ayez pitié de l’affliction de ma mère ; elle fut contrainte de supporter dans son corps cette ignominie.

6 – Hamlet déclare qu’il a feint l’imbécillité pour mettre en œuvre un plan de vengeance mûrement réfléchi.

(Cette chronique de Saxo fait état du mépris de la mère d’Hamlet à son égard. On retrouve trace d’un tel mépris dans le Hamlet de Shakespeare que ce soit du fils ou de la mère. Dans le livre III, il est également question à la chronique n°5 des violences subies par les femmes. Fenge n’eu aucune difficulté à convaincre qu’elle était battue. Chez Shakespeare Hamlet est idéalisé par Hamlet, mais il est loin d’être un roi parfait : il est belliqueux, Gertrude le trompait, etc.)

7 – Hamlet demande à son peuple de lui rendre hommage, lui qui a éliminé le tyran, lavé l’opprobre qui pesait sur sa patrie et sur sa mère. Vous me devez la liberté. Il vous appartient de me récompenser.

8 – Emu, émerveillés par son ingéniosité, tous l’acclamèrent roi.

9 – Une fois couronné, Hamlet retourne en Angleterre auprès de sa femme. Il s’entoure de soldats rompus au maniement des armes et fait orner un bouclier de scènes représentant ses exploits.

10 – Cette chronique décrit toute la vie d’Hamlet représentée sur le bouclier, du parricide jusqu’à l’incendie du château en passant par l’exil en Angleterre.

11 – Le roi d’Angleterre est stupéfait d’apprend la mort de Fenge avec qui il avait passé un pacte : chacun faisant le serment de venger l’autre s’il venait à être assassiné.
Le roi d’Angleterre, convaincu que la religion primait sur la famille, s’en remit à un tiers pour faire exécuter Hamlet.

(Cette primauté du sens moral de la religion sur la famille est à opposer à l’attitude de la fille du roi, première épouse d’Hamlet, qui fera primer le sens moral de la famille sur celui de la religion, voir chronique 18 ; il est également à opposer à la conduite immorale de sa seconde épouse, Hermdrude, qui reniera sa parole tout à la fin : chronique 3 du chapitre II.)

12 – Ayant perdu récemment sa femme, le roi d’Angleterre envoie Hamlet chercher la reine d’Ecosse qu’il souhaite épouser. Sachant qu’elle voue une haine inexpiable à ses prétendants, il espère qu’elle fera assassiner Hamlet.

13 – En Ecosse, Hamlet fait une halte près de la demeure de la reine. Pendant sa sieste, la reine fait enlever le bouclier et le message qui lui est destiné.

14 – Subjuguée par le talent exposé sur le bouclier d’Hamlet, la reine modifie la demande en mariage du vieillard pour que ce soit le messager qui sollicite sa main. Et elle fait remettre en place le bouclier et le message par son espion.

15 – Hamlet surprend l’espion et le fait enchaîner. Au château de la reine Hermdrude, il remet le message. Elle reconnaît qu’il a admirablement accompli la vengeance du meurtre de son père et de l’adultère de sa mère.

16 – Hermdrude attache plus d’importance à la noblesse d’Hamlet qu’à ses richesses ou à sa beauté. Elle l’exhorte à reporter son devoir de mariage sur elle, et tombe dans ses bras.

17 – Charmé, Hamlet lui rend ses baisers. Les noces sont célébrées. Hamlet retourne en Angleterre avec sa seconde femme et une escorte d’écossais.

18 – En Angleterre, la fille du roi fit passer son devoir d’allégeance pour Hamlet devant l’outrage du concubinat. Par égard pour leur fils, elle fit le serment qu’aucune avanie n’étoufferait sa flamme. Elle fit passer l’amour conjugal avant celui pour son père, et prévint Hamlet du danger qui le guettait.

19 – Le roi d’Angleterre entra sur ces entrefaites, embrassa son gendre et l’invita à un festin. Hamlet le suivi en dissimulant sous son vêtement une broigne. Arrivés au château, le roi attaqua Hamlet qui ne fut que légèrement blessé.
Hamlet attira le roi jusqu’à une embuscade, où on lui livra l’espion d’Hermdrude. Ce dernier en avouant avoir dérobé le message et le bouclier, lava Hamlet de tout soupçon de trahison.

20 – Mais le roi poursuivit le fugitif et décima son armée. Dans la bataille du lendemain, Hamlet décida de donner le change en déployant les cadavres de ses compagnons sur un flanc pour donner l’illusion d’une armée invaincue. La manœuvre tourna à l’avantage d’Hamlet quand les Anglais terrorisés préférèrent la fuite.
Le roi fut tué. Hamlet rentra au Danemark avec son butin et ses deux épouses.

Chapitre II

1 – Le roi Rorick étant mort, Viglet lui succéda. Il en avait profité pour dépouiller la mère d’Hamlet et accusa son fils d’avoir usurpé le pouvoir. Hamlet se racheta en lui donnant les plus belles pièces du butin ; puis il le chassa lors d’un combat.

2 - Viglet leva une si puissante armée qu’Hamlet n’eu d’autre choix que de fuir ou mourir au combat. Avant qu’il ne parte, Hermdrude fit le serment de le suivre jusque dans la mort. Hamlet fut tué et Hermedrude fut la récompense du vainqueur.

3 – La morale, dit cette chronique, c’est que la femme succombe à ses passions.

4 – La destinée d’Hamlet n’a d’égale que celle des dieux. Après un long règne, Viglet fut emporté par la maladie.

(Où l’on voit que le Hamlet de Saxo Grammaticus préfère la mort au déshonneur. C’est aussi une attitude suicidaire à l’instar de celle du Hamlet de Shakespeare qui sait le duel truqué. Ces chroniques égratignent sérieusement la dignité des femmes sans remettre en cause les attitudes guerrières des hommes. Si la critique a fait du Hamlet de Shakespeare un anti-héros, il n’en est pas moins entré au Panthéon des personnages mythiques pour des raisons similaires.)