HORATIO

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Analyse Acte 1


L’acte 1 est assurément celui qui plante le décor.

Ce premier acte montre deux univers qui vont se télescoper. Le monde dans lequel évolue Hamlet, le monde du jeune prince en formation à l’université allemande. Et le cœur du pouvoir où évolue Gertrude, sa mère, et Claudius son second mari ; un monde politique où gravite la lignée des Polonius.

Dans la scène 1, Bernardo et Marcellus montent la garde. Ils ont fait venir Horatio, un ami du jeune prince Hamlet pour qu’il assiste à un phénomène étrange, la rencontre avec le spectre du Roi défunt Hamlet.

Après l’apparition, ils sont sous le choc. Horatio en déduit que c’est le présage d’une catastrophe dans l’état. Marcellus s’interroge sur les raisons des préparatifs de guerre en cours. Horatio connaît la réponse : Fortinbras, le neveu du Roi de Norvège ayant appris la mort du vaillant Hamlet, a levé une armée pour reprendre les terres perdues par son Oncle. Mais Horatio fait une remarque entre parenthèse très intéressante pour la suite des évènements : « cette partie du monde connu l’estimait pour tel », c’est-à-dire pour un roi « vaillant ». Que l’état du Danemark soit un état guerrier ne semble pas être du goût de tout le monde ; et après cette analyse rétrospective de Horatio, Bernardo reconnaît que cela pourrait expliquer la présence du spectre en armure, « si semblable au roi qui était et qui est encore l’occasion de ces guerres. »

La scène 2 a lieu dans la salle du conseil. Avant d’en venir à l’objet de cette assemblée (les velléités guerrières du jeune Fortinbras) au début de son discours, le nouveau roi Claudius rappelle les faits qui l’ont amené au pouvoir, notamment ce fait qu’il avait le consentement éclairé de ses conseillers et, pour ainsi dire la voix du Danemark. C’est-à-dire que le remariage de la reine Gertrude avec le frère de son premier époux n’est pas un sujet tabou. Et lorsque Claudius enchaîne avec la requête de Laërte pour retourner en France, on peut s’apercevoir que le discours du fils du premier Conseiller du roi est sans ambages : Laërte est revenu de France expressément pour assister au couronnement de Claudius et pas pour rendre hommage au défunt roi.

Enfin, lorsque la reine interpelle Hamlet pour lui demander de cesser de cultiver cette humeur mélancolique, on peut aussi constater qu’elle a tiré un trait sur son précédent mari. Claudius tient le même discours, mais il va plus loin : « persévérer dans une affliction obstinée est une conduite (…) qui montre (…) une intelligence ignorante et inéduquée. » Le roi n’y va pas avec le dos de la cuillère.

Le premier monologue de Hamlet, qui suit l’interdiction de retourner à Wittenberg, concerne l’hypocrisie de sa mère : « Elle se pendait à lui », « Fragilité, ton nom est femme ! », « le sel de ses larmes menteuses »… Hamlet n’a pas encore détourné et/ou développé sa haine contre le roi. C’est là qu’entrent en scène Horatio et les deux gardes.

Horatio ne se montre pas d’une très grande honnêteté, lorsque Hamlet lui demande ce qui l’amène au Danemark. Il lui répond : « un caprice de vagabond », puis « les funérailles de votre père ». Horatio n’a pas l’intention de se moquer de Hamlet mais il y va sur des œufs. Il a une mauvaise nouvelle à annoncer au jeune prince, le spectre de son père rôde autour du château. Hamlet qui voyait déjà dans le second mariage de sa mère, « une mauvaise action qui ne peut mener à rien de bon », maintenant « soupçonne quelque hideuse tragédie ». Et déjà, il demande à Horatio et aux gardes de garder le silence. Il prépare leur complicité en promettant de récompenser leur discrétion.

A la scène 3, nous voyons le conseiller du roi, Polonius, régler ses affaires familiales, comme précédemment le roi réglait les affaires du Danemark. Il prodigue ses conseils à son fils, avant qu’il ne parte pour la France ; et il met en garde sa fille, Ophélie, contre les avances du jeune Hamlet. Il lui interdit même de le voir. Et elle promet de lui obéir.

Elle est elle-même troublée par ces marques d’affection : « il m’a importunée de son amour, mais avec des manières honorables ». Polonius, à qui l’on a fait entendre méfiance « par voix de précaution », saisi la balle au bond pour lui faire remarquer qu’il s’agit bien là de « manières ».

Chose étrange, donc, les déclaration d’amour du jeune Hamlet semblent soudaines et déplacées. C’est dans le propos de Polonius : « On m’a dit que, depuis peu, Hamlet a eu avec vous de fréquents tête-à-tête ». C’est dans le discours d’Ophélie : « Il m’a depuis peu, monseigneur, fait maintes offres de son affection ».

S’il est probable qu’Ophélie tombe amoureuse, elle n’est pas pour autant naïve et dupe et c’est la raison pour laquelle elle demande conseil à son frère avant son départ pour la France. Cette entrée en scène permet une libre interprétation. Soit Laërte introduit le sujet, soit Ophélie a introduit le sujet hors champ. Dans cette dernière perspective, Laërte, en faisant coïncider « cette violette de la jeunesse printanière » avec le décès du père de Hamlet rassure Ophélie et lui donne le courage d’en parler avec Polonius.

Lors de la scène 4, Hamlet, Horatio et Marcellus, montent la garde ; ils s’apprêtent à rencontrer le spectre. Plusieurs choses importantes vont se produirent, hormis l’apparition. Tout d’abord, on entend au loin une fanfare de trompettes et une décharge d’artillerie. C’est l’occasion pour Hamlet de tenir deux discours :
- un sur l’ivresse qui ruine la réputation du Danemark, une nation entière ;
- un sur l’individu, dont un « défaut de naissance » peut ruiner la réputation. Hamlet ne parle pas que de l’ivresse, il parle « d’imperfection naturelle », de « l’humeur », qui noircie l’opinion globale qu’on a du Sujet.

C’est-à-dire, que si la mélancolie est à la mode à cette époque – comme le style gothique est cultivé par les jeunes du 21ème siècle – cette « humeur » n’en reste pas moins une grave affection pour la raison, au même titre que les trois autres grandes maladies du 16ème siècle.

Il s’ensuit l’apparition. Les gardes mettent Hamlet en garde contre le danger de suivre le spectre qui veut peut-être le damner ou le jeter en démence. Mais Hamlet menace de mort quiconque le retiendra !

La dernière scène (5), clos cet acte, comme les acteurs scellent leur destinée à chacune des étapes de ce premier acte. Cette dernière scène est celle des révélations, pas seulement celles de l’assassinat du roi Hamlet.

Hamlet rencontre seul le spectre – il est peut-être le seul à l’entendre. Le spectre du roi révèle les conditions de l’assassinat. Aux révélations de « meurtre », Hamlet tombe des nues, contrairement au savoir sur les oreilles abusées du Danemark par un récit forgé de cette mort : une piqûre de serpent.

Là encore, le spectre dans ses révélations tient deux discours, deux mots d’ordre et formule deux injonctions. Il révèle :
- En premier lieu, « le serpent qui a mordu ton père mortellement porte aujourd’hui sa couronne ». Ce monstre incestueux était aussi « adultère » - ce qui veut dire qu’il avait une liaison avec la reine bien avant sa mort ; Claudius n’est peut-être que le bras armé de la reine. Le spectre demande à Hamlet de le venger d’un meurtre horrible et monstrueux.
- En second lieu, après avoir maudit l’esprit qui a eu le don de séduire « la plus vertueuse des femmes en apparence », le spectre formule une deuxième injonction : « que ton âme s’abstienne de tout projet hostile à ta mère ! »

Après cette rencontre Hamlet inscrit sur ses tablettes, un seul mot d’ordre : « Et ton ordre vivant remplira seul les feuillets du livre de mon cerveau, (…) Ô la plus perfide des femmes ! (…) Mes tablettes ! Il importe d’y noter qu’un homme peut sourire , sourire, et n’être qu’un scélérat. »

Surgissent alors, Horatio et Marcellus. Ils veulent savoir. Ils ne sauront rien de plus que ce qu’ils ne savent déjà : « S’il y a dans tout le Danemark un scélérat… c’est un coquin fieffé. » C’est-à-dire que Claudius est un coquin qui fricote avec la reine depuis belle lurette et que la mort du roi Hamlet est une aubaine qui lui permet d’accéder au trône. De plus avec ce récit grotesque qui abuse les oreilles du Danemark Horatio doit bien se douter qu’il y a quelque chose de pourri au sein de l’état. C’est ce qui lui fait dire : pas besoin d’un « fantôme sortît de la tombe pour nous apprendre cela ». Quoi d’autre monseigneur ?

Ils ne sauront rien donc, et Hamlet leur demande de vaquer à leurs occupations comme si de rien n’était pendant que lui va se retirer en prière. Horatio ne l’entend pas de cette oreille, « ce sont là des paroles égarées et vertigineuses ». Mais Hamlet retourne la situation, et se présente comme l’offensé parce que ses compagnons remettent en cause l’honnêteté du fantôme – alors que ce n’est pas du tout le propos de Horatio.

Hamlet va aller jusqu’à sceller leur silence en les menaçants de mort s’ils rompent leur serment. En effet il les fait jurer par trois fois de ne rien révéler de ce qu’ils ont vu, entendu, et savent des intentions d’Hamlet de passer à l’action, par son attitude fantasque. Horatio et Marcellus jurent devant un Hamlet fou à lier qui entend le spectre, alors que le jour est levé.

Je ne suis pas certain, à cet instant, que Marcellus et Horatio entendent la voix du spectre, de dessous terre, mais je suis certain que Hamlet, pour la deuxième fois, achète leur silence lorsqu’il dit « tout ce qu’un pauvre homme comme Hamlet pourra faire pour vous exprimer son affection et son amitié sera fait ».

Écrit par horatio in love Lien permanent | Commentaires (0)

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