HORATIO

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Analyse Acte 3

L’acte 3 est celui de l’échec de la souricière, celui qui va conduire au meurtre de Polonius

Dans la scène 1, nous voyons Rosencrantz et Guildenstern venir au rapport. Pourtant, ils ne rapportent pas exactement ce qui s’est passé : « Il avoue qu’il se sent égaré ; mais pour quel motif, il n’y a pas moyen de le lui faire dire », dit Rosencrantz. « Il nous échappe avec une malicieuse folie », surenchérit Guildenstern. Alors qu’il leur a dit qu’il voulait de l’avancement et que la vie avait peu d’intérêt, etc. ses amis servent au couple royal ce qu’ils veulent entendre, la folie l’égare.

Le roi leur demande alors s’il n’y aurait pas moyen de le distraire. Justement , il se trouve qu’une troupe de théâtre passait par là par hasard et que Hamlet s’est fait une grande joie de les accueillir ; et ce soir même, le roi et la reine sont priés d’assister à une représentation. Rien ne nous dit que Polonius va les alerter sur les intentions d’Hamlet de leur tendre un piège. Il a peut-être l’intention de le faire, mais il est tellement maladroit dans la scène de la galerie que l’on peut supposer qu’il s’abstiendra de le faire. Cela expliquerait que pendant la pièce, le meurtre de Gonzague, il va détourner leur regard ainsi que le notre.

Guildenstern et Rosencrantz se retirent et le roi demande alors à Gertrude de le laisser seul avec Polonius qui a organisé une rencontre entre Hamlet et Ophélie. Mais la reine ne sort pas. Elle va donc, elle-même espionner les espions légitimes.

Hamlet est venu dans la galerie pour y rencontrer quelqu’un qui l’a fait venir secrètement. En attendant, il monologue sur le suicide. Qu’est-ce qui le retient de mettre fin à ses jours ? La lâcheté ? La peur de l’au-delà ? Sur ces entrefaites il aperçoit Ophélie, à qui son père a demandé de faire semblant de lire un livre de prières.

Si c’est Ophélie qui est censée rencontrer Hamlet secrètement dans la galerie, on peut s’étonner de la façon dont s’engage la conversation : - Comment ça va ? - Ca va merci… De plus Ophélie ne respecte pas le jeu de dupe, elle double son père: elle rend à Hamlet ses lettres. Elle est censée être là par hasard, mais elle porte les lettres de Hamlet sur elle. Il n’en faut pas plus pour mettre Hamlet en alerte. Il lui demande d’entrer au couvent, ce qui lui éviterait d’enfanter des pêcheurs.

Enfin, il lui demande : « où est votre père ? » – s’est peut-être bien la personne avec qui il a rendez-vous. La réponse d’Ophélie : « chez lui » le met carrément hors de lui. Il demande à ce qu’on ferme les portes sur lui pour qu’il n’aille pas faire le niais hors de sa maison et il demande à Ophélie d’aller faire la pute dans une maison mal famée. Et il sort.

Ophélie est dépitée d’avoir vue ce qu’elle a vu : « cette noble et souveraine raison faussée et criarde comme une cloche fêlée ; voir la forme et la beauté incomparables de cette jeunesse en fleur, flétries par la démence ! » Pourtant son attitude est la cause de sa colère. Le roi l’a compris, il décide de l’envoyer en Angleterre pour affaires en espérant que le large « chassera de son cœur cet objet tenace sur lequel son cerveau se heurte sans cesse ». Sauf que les coordonnées du crime (le secret) lui sont sans cesse données par cette volonté qu’on a autour de lui de le faire passer pour fou et maintenant de l’évincer.

Polonius répond au roi : faites ce que vous voulez mais moi je reste persuadé que c’est l’amour dédaigné de ma fille qui l’a rendu fou ; je vous suggère une rencontre avec sa mère, après la pièce de théâtre qui doit se jouer ce soir : « il faudrait que la reine sa mère seule avec lui, le pressa de révéler son chagrin. Qu’elle lui parle vertement ! Et moi, avec votre permission, je me placerai à la portée de toute leur conversation. » Si sa mère ne parvient pas à le sonder, ajoute Polonius, alors reléguez-le où bon vous semblera – en gros, débarrassez-vous de lui. Ainsi soit-il.

A la scène 2, on retrouve Hamlet prodiguant ses conseils aux comédiens pour qu’ils jouent de la façon la plus naturelle et aux clowns pour qu’ils ne débordent pas de leur rôle. Puis il en vient au rôle de Horatio. Il commence par le flatter et par lui rappeler son serment de ne jamais le trahir. Il en vient au fait : la pièce qui se joue ce soir à pour but de piéger le coquin fieffé. Quand tu verras l’acte qui « rappelle beaucoup les détails que je t’ai dit sur la mort de mon père », observe mon oncle afin que nous comparions nos jugements ; s’il ne se trahit pas, dit-il, c’est que ce spectre est venu nous damner. A priori Horatio n’en sait pas plus qu’au début, puisqu’il dit : si quelque chose m’échappe, « je rembourse le vol » - il ne parle pas de crime. Hamlet s’apprête à piéger Horatio lui-même.

Pour la représentation, tout est en place, les comédiens, Horatio. Entre le couple royal et sa suite. Il ne reste plus qu’à Hamlet à faire ce qu’on attend de lui : « le niais ». Sauf qu’il va largement déborder son rôle de bouffon. C’est-à-dire que ce qu’il a demandé aux comédiens, il ne va réussir lui même à le mettre en acte. Avec le roi, Polonius, la reine, il est cynique ; mais avec Ophélie il devient carrément odieux : il s’attaque à sa vertu ouvertement devant la cour : « c’est une belle pensée de s’étendre entre les jambes d’une vierge. » Hamlet fait de graves sous-entendus. Ophélie n’a pas d’autre solution que de le faire passer pour ivre. A cette instant, l’assistance doit être médusée par les allusions de Hamlet. Personne ne réagit à la pantomime sauf Ophélie qui essaye de détourner l’attention sur l’offense qui se trame : « sans doute que ce mime contient l’argument de la pièce ».

Hamlet ne tient plus en place, il continue à perturber la représentation. « Vous êtes grossier, je veux écouter la pièce », lui dit Ophélie. Entrent le roi et la reine de comédie. Ils jouent. Mais Hamlet leur coupe la parole chaque fois qu’ils interprètent les passages qu’il a probablement insérés pour tester sa mère : « ça c’est de l’absinthe », « si elle se parjure à présent », « Madame vous aimez cette pièce ? »

Le roi commence à s’inquiéter de l’attitude de son neveu. Dans un premier temps, il détruit la notoriété d’Ophélie maintenant, il s’en prend à la reine de comédie. Il l’interpelle : « Vous connaissez l’argument ? Ne contient-il aucune offense ? » « Comment appelez-vous cette pièce ? »

La souricière, lui répond Hamlet. Mais ce qui suit est très important. Car Hamlet va faire avorter son plan en présentant Lucianus, comme le neveu du roi. Il va faire jouer un inceste devant le couple royal, soit une véritable offense.

Au moment où entre Lucianus, Ophélie fait remarquer à Hamlet qu’il joue les cœurs mais aussi qu’il perturbe la représentation. Hamlet se ressaisit et crie : - vas-y corbeau, accomplit ta vengeance. Mais Hamlet ne tient plus en place. Il coupe la parole à Lucianus : « Vous allez voir maintenant comment le meurtrier gagne l’amour de la femme de Gonzague. » L’offense est nette. Le roi ne se lève pas à la vue de son meurtre interprété par les comédiens mais aux paroles d’Hamlet qui vient d’annoncer : le neveu réclame de coucher avec sa tante.

Lorsque le roi se lève, Hamlet reconnaît ses gaffes, mais il est trop tard : « Quoi, effrayé par un coup de feu à blanc ? » Il prend conscience que la mèche du pétard était mouillée. Et lorsqu’il se retrouve seul avec Horatio, il ne veut pas entendre les sarcasmes de son amis qui lui dit : vous n’auriez qu’une demi-part de sociétaire dans une meute de comédiens. Mais Horatio a fait le serment de ne pas le trahir. Alors il décide de ne pas le contredire. Il a très bien observé lorsqu’il a été question de poisons, même s’il a vu le roi réagir quand le meurtrier réclamait l’amour de la femme de gonzague.

Entrent Rosencrantz et Guildenstern qui viennent annoncer à Hamlet que le roi s’est retiré sérieusement échauffé par son attitude outrageante et que sa mère, frappée de stupeur et d’étonnement, désire lui parler. Puis c’est au tour de Polonius d’entrer pour lui signifier que sa mère désire s’entretenir avec lui sur le champ. Chaque fois, on le fait mander deux fois, comme si les premiers émissaires risquaient d’échouer. Hamlet les tournent à nouveau en dérision, les premiers en leur faisant jouer du pipeau, et le second, Polonius, en lui faisant dire ce qu’il veut aux nuages.

Hamlet promet d’y aller. Resté seul, il se jure de rester hypocrite, de poignarder sa mère de paroles, mais aussi forts que soient les mots, de ne jamais les sceller en actes.

A la scène 3, la décision qui a été prise après la scène de la galerie (scène 1), est mise en acte. Claudius signe les ordres de mission (arrêt de mort de Hamlet) de Rosencrantz et Guildenstern et leur demande d’aller se préparer accompagner Hamlet en Angleterre. Polonius prévient le roi qu’il va se cacher dans la chambre de Gertrude pour épier la conversation entre Hamlet et sa mère. Le roi se retrouve seul, il avoue alors son crime et implore le pardon, la miséricorde… Il plie les genoux et entre en prière.

En se rendant à la chambre de sa mère, Hamlet croise Claudius en prière. Il hésite à lui trancher la gorge, craignant de l’envoyer au ciel plutôt qu’en enfer. Il réserve sa vengeance pour de plus noirs desseins.

Dans la scène 4, nous voyons Polonius donner ses derniers conseils à Gertrude avant de prendre place derrière une tenture. Si l’on entend Hamlet en coulisse appeler « Mère, mère, mère », il est probable que Hamlet entend sa mère qui parle à quelqu’un et ce n’est certainement pas Claudius qu’il vient de laisser en prière.

Nous assistons à une relation duelle, où le ton, la violence, montent comme dans un miroir : « - tu as gravement offensé ton père », « - vous avez gravement offensé mon père », etc. Gertrude essaye d’enrayer la violence en lui demandant : « Avez-vous oublié qui je suis ? (…) Je vais vous opposer des gens qui sauront vous parler. » Mais les menaces ne servent à rien. Gertrude appelle à l’aide. Polonius appelle à l’aide également : « Holà ! A l’aide ! » Hamlet parie : « - Un ducat qu’il est mort ! » Il est mort.

Ce qui suit immédiatement est important, parce que la reine ne s’effondre pas de douleur à l’idée que le roi, l’être aimé, vient d’être tué. Elle dit : « Malheur à moi, qu’as-tu fait ? » Hamlet va le lui dire, il va lui suggérer – pour mieux la perdre – qu’il a pris Polonius pour le roi. Le sang de sa mère ne fait qu’un tour. Elle s’en empare pour le faire passer pour fou : « O ! acte écervelé et sanglant ! » Hamlet l’accuse alors d’avoir commandité le meurtre de son père ; son acte est aussi sanglant que celui de sa mère, « aussi noir, tendre mère, que de tuer un roi et épouser son frère. »

Mais sa mère est effarée par le propos : « que de tuer un roi ? » Il ne reste plus à Hamlet comme acte à lui reprocher, l’inceste, l’adultère, la luxure… Il en veut pour preuve les portraits des deux frères. Le spectateur devrait prendre garde à ce qu’il projette dans les cadres qui lui sont présentés - Gertrude et Claudius étaient amants avant même la mort du vieil Hamlet. Gertrude en a assez de ses mots (maquerelle du désir, bauge infectée, lit poisseux, coupe-bourse de l’empire, arlequin de roi…) qui pénètrent ses oreilles comme des poignards, elle hurle : « assez ! »

Et pour mieux nous convaincre que Hamlet est fou aux yeux de sa mère, Shakespeare fait intervenir le spectre. Hamlet parle dans le vide : « Ne venez-vous pas gronder votre fils qui s’attarde » et néglige la vengeance. Il supplie le spectre pour qu’il ne le regarde pas et que son appel pitoyable ne change pas la couleur de ses noirs desseins : celle des larmes pour celle du sang.

Mais la stupeur de Hamlet ne vient pas du spectre, elle vient de sa mère qui ne voit rien, qui n’entend rien ; et qui plus est, lui rétorque qu’il délire. Alors Hamlet se met en colère : ne vous bercez pas de cette illusion que c’est ma folie qui parle plutôt que votre faute. A la question de la reine : « que dois-je faire ? » Hamlet lui demande de dévoiler au roi toute l’affaire : « A savoir que je ne suis pas réellement fou mais fou par ruse ». Mais qui aurait le courage de révéler des secrets aussi précieux, « alors cassez-vous le cou en tombant ».

D’ailleurs, la reine lui répond qu’elle n’aura pas de souffle pour souffler mot de ce qu’il lui a dit. C’est claire, c’est chacun pour soi ; elle est au courant pour l’Angleterre. Et Hamlet savait, avant même d’avoir tué Polonius, qu’il aurait à faire sauter les artificiers avec leur propre pétard.



Écrit par horatio in love Lien permanent | Commentaires (0)

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