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La mort d'Ophélie

La mort d’Ophélie est généralement présentée par la critique et les metteurs en scène comme un suicide lié à la mort de son père Polonius et à la perte d’Hamlet, exilé en Angleterre. Tapez "suicide d’Hamlet" dans votre moteur de recherche internet et vous obtiendrez des articles sur :
- le monologue d’Hamlet sur le suicide
- le suicide d’Ophélie
- le discours des fossoyeurs sur la mort suspecte d’Ophélie
- le suicide d’Ophélie dans la mise en scène de Thomas Ostermeier
- …pourquoi Hamlet ne se suicide pas…

Je veux réparer cette injustice, non pour rééquilibrer la balance mais pour montrer que le seul retour au texte suffit à rappeler que la mort d’Ophélie est accidentelle. C’est bien comme cela que la reine Gertrude rapporte les évènements juste après sa noyade (acte 4, scène 7) :

LA REINE. - Un malheur marche sur les talons d'un autre, tant ils se suivent de près : votre soeur est noyée, Laertes.
LAERTES. - Noyée ! Oh ! Où donc ?.
LA REINE. - Il y a en travers d'un ruisseau un saule qui mire ses feuilles grises dans la glace du courant. C'est là qu'elle est venue, portant de fantasques guirlandes de renoncules, d'orties, de marguerites et de ces longues fleurs pourpres que les bergers licencieux nomment d'un nom plus grossier, mais que nos froides vierges appellent doigts d'hommes morts. Là, tandis qu'elle grimpait pour suspendre sa sauvage couronne aux rameaux inclinés, une branche envieuse s'est cassée, et tous ses trophées champêtres sont, comme elle, tombés dans le ruisseau en pleurs.
Ses vêtements se sont étalés et l'ont soutenue un moment, nouvelle sirène, pendant qu'elle chantait des bribes de vieilles chansons, comme insensible à sa propre détresse, ou comme une créature naturellement formée pour cet élément. Mais cela n'a pu durer longtemps : ses vêtements, alourdis par ce qu'ils avaient bu, ont entraîné la pauvre malheureuse de son chant mélodieux à une mort fangeuse.
LAERTES. - Hélas ! elle est donc noyée ?
LA REINE. - Noyée, noyée.

Que s’est-il passé entre sa mort et ses obsèques pour que l’on en vienne à dire qu’elle s’est suicidée ? Car rappelons-le, c’est la rumeur à propos de son décès. Et cette rumeur s’exprime par la voix des deux rustres qui creusent sa tombe (acte 5, scène 1) :

PREMIER PAYSAN. - Doit-elle être ensevelie en sépulture chrétienne, celle qui volontairement devance l'heure de son salut ?
DEUXIEME PAYSAN. - Je te dis que oui. Donc creuse sa tombe sur-le-champ. Le coroner a tenu enquête sur elle, et conclu à la sépulture chrétienne.
PREMIER PAYSAN. - Comment est-ce possible, à moins qu'elle ne se soit noyée à son corps défendant ?
DEUXIEME PAYSAN. - Eh bien ! la chose a été jugée ainsi.
PREMIER PAYSAN. - il est évident qu'elle est morte se offiendendo, cela ne peut être autrement. Ici est le point de droit : si je me noie de propos délibéré, cela dénote un acte, et un acte a trois branches : le mouvement, l'action et l'exécution : argo, elle s'est noyée de propos délibéré.
DEUXIEME PAYSAN. - Certainement ( mais écoutez-moi, bonhomme piocheur.
PREMIER PAYSAN. - Permets. ici est l'eau : bon ! ici se tient l'homme : bon ! Si l'homme va à l'eau et se noie, c'est, en dépit de tout, parce qu'il y est allé : remarque bien ça.
Mais si l'eau vient à l'homme et le noie, ce n'est pas lui qui se noie : argo, celui qui n'est pas coupable de sa mort n'abrège pas sa vie.
DEUXIEME PAYSAN. - Mais est-ce la loi ?
PREMIER PAYSAN. - Oui, pardieu, Ça l'est la loi sur l'enquête du coroner.
DEUXIEME PAYSAN. - Veux-tu avoir la vérité sur ceci ?. Si la morte n'avait pas été une femme de qualité, elle n'aurait pas été ensevelie en sépulture chrétienne.
PREMIER PAYSAN. - Oui, tu l'as dit et c'est tant pis pour les grands qu'ils soient encouragés en ce monde à se noyer ou à se pendre, plus que leurs égaux chrétiens. Allons, ma bêche ! il n'y a de vieux gentilshommes que les jardiniers, les terrassiers et les fossoyeurs : ils continuent le métier d'Adam.

Nous ne savons pas ce qui s’est passé dans l’intervalle mais nous pouvons répondre à la question en nous demandant qui a intérêt à faire passer sa mort pour un suicide. Plusieurs personnes ont intérêt à laisser courir la rumeur :

Horatio a intérêt à ce que sa mort soit suspecte.

Après que Shakespeare nous ait présenté une première fois Ophélie dans un état de démence avancé, le Roi demande à Horatio de la suivre de près. Horatio va faillir gravement à sa tâche (acte 4 scène 5) :

LE ROI. - Depuis combien de temps est-elle ainsi ?
OPHÉLIA. - J'espère que tout ira bien. il faut avoir de la patience ; mais je ne puis m'empêcher de pleurer, en pensant qu'ils l'ont mis dans une froide terre. Mon frère le saura ; et sur ce, je vous remercie de votre bon conseil.
Allons, mon coche ! Bonne nuit, mes dames ; bonne nuit, mes douces dames ; bonne nuit, bonne nuit ! (Elle sort.).
LE ROI, à Horatio. - Suivez-la de près ; veillez bien sur elle, je vous prie. (Horatio sort. )

Le seul espoir d’Ophélie de sortir de son état, c’est l’intervention de son frère. Elle en a conscience et elle le dit : « mon frère le saura ». Il est le seul à pouvoir venger la mort de leur père. Elle n’aura pas cette chance puisque Horatio ne lui assurera aucune protection et ne lui sera d’aucun secours.

Le roi et la reine ont intérêt à faire passer sa mort pour un suicide :

Une affaire gravissime vient de se dérouler au château d’Elseneur, le prince Hamlet vient d’assassiner Polonius, le premier conseiller du roi, le grand Chambellan. L’intérêt du royaume est de discréditer cette famille. Et le discrédit commence avec l’enterrement de Polonius, en catimini, sans les honneurs liés à son rang (acte 4 scène 5) :

LE ROI, à Horatio. - Suivez-la de près ; veillez bien sur elle, je vous prie. (Horatio sort. ) Oh ! c'est le poison d'une profonde douleur ; il jaillit tout entier de la mort de son père. ô Gertrude, Gertrude, quand les malheurs arrivent, ils ne viennent pas en éclaireurs solitaires, mais en bataillons. D'abord, c'était le meurtre de son père ; puis le départ de votre fils, auteur par sa propre violence de son juste exil. Maintenant, voici le peuple boueux qui s'ameute, plein de pensées et de rumeurs dangereuses, à propos de la mort du bon Polonius. Nous avons étourdiment agi en l'enterrant secrètement... Puis, voici la pauvre Ophélia séparée d'elle-même et de ce noble jugement sans lequel nous sommes des effigies, ou de simples bêtes. Enfin, ce qui est aussi gros de troubles que tout le reste, voici son frère, secrètement revenu de France, qui se repaît de sa stupeur, s'enferme dans des nuages, et trouve partout des êtres bourdonnants qui lui empoisonnent l'oreille des récits envenimés de la mort de son père, où leur misérable argumentation n'hésite pas, pour ses besoins, à nous accuser d'oreille en oreille. ô ma chère Gertrude, tout cela tombe sur moi comme une mitraille meurtrière, et me donne mille morts superflues. (Bruit derrière le théâtre.) LA REINE. - Dieu ! quel est ce bruit ?
(…)
LE ROI. - Laertes, il faut que je raisonne avec votre douleur ; sinon, c'est un droit que vous me refusez. Retirons-nous un moment ; faites choix de vos amis les plus sages ; ils nous entendront et jugeront entre vous et moi.
Si directement ou indirectement ils nous trouvent compromis, nous vous abandonnerons notre royaume, notre couronne, notre vie et tout ce que nous appelons nôtre, en réparation. Sinon, résignez-vous à nous accorder votre patience, et nous travaillerons d'accord avec votre ressentiment, pour lui donner une juste satisfaction.
LAERTES. - Soit ! L'étrange mort de mon père, ses mystérieuses funérailles, où tout a manqué : trophée, panoplie, écusson au-dessus du corps, rite nobiliaire, apparat d'usage, me crient, comme une voix que le ciel ferait entendre à la terre, que je dois faire une enquête.

Le couple royal a tout intérêt à redorer son blason en faisant courir cette rumeur. En agissant ainsi, le roi et la reine peuvent intervenir dans le sens d’une inhumation en terre chrétienne malgré les rites tronqués (acte 5 scène 1) :

HAMLET, continuant. - La reine ! les courtisans ! De qui suivent-ils le convoi ?. Pourquoi ces rites tronqués ?. Ceci annonce que le corps qu'ils suivent a, d'une main désespérée, attenté à sa propre vie. C'était quelqu'un de qualité. Cachons-nous un moment, et observons. (Il se retire avec Horatio.)
LAERTES. - Quelle Cérémonie reste-t-il encore ?
HAMLET, à part. - C'est Laertes, un bien noble jeune homme ! Attention !
LAERTES. - Quelle Cérémonie encore ?
PREMIER PRETRE. - Ses obsèques ont été célébrées avec toute la latitude qui nous était permise. Sa mort était suspecte ; et, si un ordre souverain n'avait dominé la règle, elle eût été placée dans une terre non bénite jusqu'à la dernière trompette. Au lieu de prières charitables, des tessons, des cailloux, des pierres eussent été jetés sur elle. Et pourtant on lui a accordé les couronnes virginales, l'ensevelissement des jeunes filles, et la translation en terre sainte au son des cloches.
LAERTES. - N'y a-t-il plus rien à faire ?
PREMIER PRETRE. - Plus rien à faire : nous profanerions le service des morts en chantant le grave requiem, en implorant pour elle le même repos que pour les âmes parties en paix.
LAERTES. - Mettez-la dans la terre ; et puisse-t-il de sa belle chair immaculée éclore des violettes ! Je te le dis, prêtre brutal, ma soeur sera un ange gardien, quand toi, tu hurleras dans l'abîme.

Il faut voir dans les interventions de la reine dans cette scène du cimetière qui ouvre le dernier acte, les larmes menteuses destinées à la procession. Hamlet voit la scène et n’est pas encore intervenu (acte 5 scène 1) :

HAMLET. - Quoi ! la belle Ophélia !
LA REINE, jetant des fleurs sur le cadavre. - Fleurs sur fleur ! Adieu ! J'espérais te voir la femme de mon Hamlet. Je comptais, douce fille, décorer ton lit nuptial et non joncher ta tombe.

Alors que de son vivant, juste après le meurtre de Polonius, la reine ne veut plus la voir (acte 4 scène 5) :

LA REINE. - Je ne veux pas lui parler.
LE GENTILHOMME. - Elle est exigeante ; pour sûr, elle divague ; elle est dans un état à faire pitié.
LA REINE. - Que veut-elle ?
LE GENTILHOMME. - Elle parle beaucoup de son père ; elle dit qu'elle sait qu'il n'y a que fourberies en ce monde ; elle soupire et se bat la poitrine ; elle frappe du pied avec rage pour un fétu ; elle dit des choses vagues qui n'ont de sens qu'à moitié. Son langage ne signifie rien ; et cependant, dans son incohérence, il fait réfléchir ceux qui l'écoutent : on en cherche la suite, et on relie par la pensée les mots décousus. Les clignements d'yeux, les hochements de tête, les gestes qui l'accompagnent, feraient croire vraiment qu'il y a là une pensée bien douloureuse, quoique non arrêtée.
HORATIO. - Il serait bon de lui parler ; car elle pourrait semer de dangereuses conjectures dans les esprits féconds en mal.

Le roi et la reine sont même dans un déni total de ce qui peut bien l’atteindre (acte 4 scène 5) :

OPHÉLIA. - Où est la belle Majesté du Danemark ?
LA REINE. - Qu'y a-t-il, Ophélia ?
OPHÉLIA, chantant.
Comment puis-je reconnaître votre amoureux D'un autre ?. A son chapeau de coquillage, à son bâton, A ses sandales.
(…)
OPHÉLIA, Continuant.
Est tout garni de suaves fleurs.
Il est allé au tombeau sans recevoir l'averse Des larmes de l'amour.
LE ROI. - Comment allez-vous, jolie dame ?

Il faut imaginer la violence de la scène. Ophélie vient de perdre son père, assassiné par Hamlet, celui-là même qui l’a abusée, en lui faisant cette fausse déclaration d’amour. Et le roi ne trouve rien de mieux qu’à lui demander : « Comment allez-vous, jolie dame ? »

Qui d’autre a intérêt à faire passer la mort d’Ophélie pour suspecte ? Le spectateur !

Depuis le début, cette pièce est l’occasion pour le spectateur de projeter ses fantasmes. Et certains metteurs en scènes, traducteurs, critiques, lui ont donnés un sacré coup de main par des coupes franches, des interprétations fausses, etc.

Le spectre a révélé à Hamlet les conditions d’une mort suspecte mais lui a interdit de toucher à la mère. Hamlet s’est servi d’Ophélie en lui faisant subitement une déclaration – lui faisant miroiter une place de princesse. Par ce manque de respect, Hamlet déstabilise le couple royal et le premier conseiller, Polonius, très au fait des secrets d’état.

Hamlet sait que les révélations d’un spectre ne suffisent pas à légitimer un acte sanglant. Il met au point la souricière. Mais c’est un fiasco. Claudius n’est pas indisposé par de quelconques révélations mais par l’attitude odieuse d’Hamlet qui fait passer le premier comédien, Lucianus, pour neveu de Gonzague – qui veut pour épouse sa tante donc (la scène de la représentation n’est jamais présentée comme cela).

Les metteurs en scènes ont pour habitude de faire entrer Claudius dans la chambre de la reine après le meurtre de Polonius (acte 4 scène 1), alors qu’à la fin de l’acte précédent – dans la traduction de Jean-Michel Déprats – il est précisé que Hamlet et Gertrude sortent. A l’ouverture de l’acte 4, il faut voir un Claudius qui retourne vers la reine pour lui demander des comptes quand à l’attitude d’Hamlet lors de la représentation, car son fils commence à dépasser les bornes :

LE ROI. - il y a une cause à ces soupirs, à ces palpitations profondes : il faut que vous l'expliquiez ; il convient que nous la connaissions. Où est votre fils ?
LA REINE, à Rosencrantz et à Guildenstem. - Laissez-nous ici un moment. (Rosencrantz et Guildenstem sortent. ) Ah ! mon bon seigneur, qu'ai-je vu cette nuit !
LE ROI. - Quoi donc, Gertrude ?... Comment est Hamlet ?
LA REINE. - Fou comme la mer et comme la tempête, quand elles luttent à qui sera la plus forte. Dans un de ses accès effrénés, entendant remuer quelque chose derrière la tapisserie, il a fait siffler son épée en criant : “Un rat ! un rat ! ” et, dans le trouble de sa cervelle, il a tué sans le voir le bon vieillard.

De même dans la scène du cimetière, je ne suis pas certain que Claudius demande gentiment à Gertrude de faire surveiller son fils (acte 5 scène 1) :

HAMLET, à Laertes. - Ecoutez, monsieur ! Pour quelle raison me traitez-vous ainsi ?. Je vous ai toujours aimé. Mais n'importe ! Hercule lui-même aurait beau faire !... Le chat peut miauler, le chien aura sa revanche. (Il sort.)
LE ROI. - Je vous en prie, bon Horatio, accompagnez-le. (Horatio sort. ) (A Laertes.) Fortifiez votre patience dans nos paroles d'hier soir. Nous allons sur-le-champ amener l'affaire au dénouement. (A la Reine.) Bonne Gertrude, faites surveiller votre fils. (A part.) Il faut à cette fosse un monument vivant. L'heure du repos viendra bientôt pour nous. Jusque-là, procédons avec patience. (Ils sortent. )

Mais les bornes Hamlet les avait dépassées depuis longtemps. Car ce qui est arrivé à Ophélie, à la fin de son existence, Hamlet l’a vécu depuis toujours. On a voulu le faire passer pour fou. Et la rumeur par la voix des deux rustres ne nous trompe pas (acte 5 scène 1) :

PREMIER PAYSAN. - Je me suis mis au métier, le jour, fameux entre tous les jours, où feu notre roi Hamlet vainquit Fortinbras.
HAMLET. - Combien y a-t-il de cela ?.
PREMIER PAYSAN. - Ne pouvez-vous pas le dire ?. Il n'est pas d'imbécile qui ne le puisse. C'était le jour même où est né le jeune Hamlet, celui qui est fou et qui a été envoyé en Angleterre.
HAMLET. - Oui-da ! Et pourquoi a-t-il été envoyé en Angleterre ?
PREMIER PAYSAN. - Eh bien ! parce qu'il était fou : il retrouvera sa raison là-bas ; ou, s'il ne la retrouve pas, il n'y aura pas grand mal.
HAMLET. - Pourquoi ?
PREMIER PAYSAN. - Ça ne se verra pas : là-bas tous les hommes sont aussi fous que lui.
HAMLET. - Comment est-il devenu fou ?
PREMIER PAYSAN. - Très étrangement, à ce qu'on dit.
HAMLET. - Comment cela ?.
PREMIER PAYSAN. - Eh bien ! en perdant la raison.
HAMLET. - Sous l'empire de quelle cause ?
PREMIER PAYSAN. - Tiens ! sous l'empire de notre roi en Danemark. J'ai été fossoyeur ici, enfant et homme, pendant trente ans.



Echange avec Christelle Bouley sur http://bouley.christelle.over-blog.fr

Message sur son blog le 12 mai 2013

Bonjour,

Puis-je vous suggérer la lecture de mes articles sur Ophélie:
http://horatio.hautetfort.com/la-mort-d-ophelie.html
http://horatio.hautetfort.com/le-viol-d-ophelie.html
ce sont des analyses très personnelles Cette analyse sur une Ophélie qui obéit sagement à son père est discutable:
- dans la scène de la galerie, elle est censée lire un bouquin, elle a en fait sur elle les lettres d'Hamlet - elle double son père et rend à Hamlet ses lettres (elle a compris qu'il s'est servi d'elle).
- Hamlet a compris que c'est Polonius qui l'a fait venir secrètement; c'est la raison pour laquelle il lui demande: "où est votre père?" La réponse d'Ophélie le rend fou de rage.
- La folie est également discutable. Certes elle ne va pas bien du tout, mais sa situation n'est pas encore désespérée. Elle dit "mon frère le saura".
- Le roi demande a Horatio de la protéger. Mais Horatio est loin d'être fiable, et ça va causer sa perte...
Au plaisir de vous lire.

Sylvain

PS: mon résumé et mes analyses sont loin d'être fiable également. Je suis mon raisonnement. Je travaille à une suite au Hamlet.
Commentaire n°1 posté par sylvain le 12/05/2013 à 23h13


Réponse de Christelle Bouley : 13 mai 2013

Bonjour,

J'ai été sur la page que vous m'avez conseillée et j'ai lu votre article. Je suis entièrement d'accord sur votre analyse concernant le doute sur la mort d'Ophélie: est-elle morte accidentellement ou en se suicidant? Je dirai que la réponse n'est pas nette. La pièce nous laisse dans l'ambiguïté, même si vous optez pour l'accident.
En effet, comme vous le montrez certains personnages croient qu'elle s'est suicidée, probablement parce que cela les arrange (j'ai bien aimé votre développement).
Par contre, pour moi, Ophélie a perdu la raison. Vous n'avez pas cité le passage où son frère dit qu'elle est folle en ajoutant aussi que derrière ces paroles de déraison se cache une vérité. Si le passage vous intéresse, je pourrai vous le trouver. Sa raison s'est effritée sous le choc des émotions et de la souffrance. Rimbaud lit ainsi aussi Shékespeare puisque dans sa seconde strophe, il parle de "sa douce folie". La folie est décrite chez de nombreuses héroïnes de roman: Thérèse Desqueyroux lorsqu'elle est enfermée dans sa chambre, punie par son mari (elle fait une dépression), Lol V.Stein après avoir été abandonnée par son amant, Madame de Tourvel lorsque le vicomte la quitte alors qu'elle se sent déshonorée.

On peut donc en déduire que la folie naît parfois d'une souffrance insupportable. Or, Ophélie souffre et est assez faible. Elle souffre de tout ce mensonge si difficile à dénicher, si rude à faire éclater. Elle souffre, comme beaucoup de personnages de Shakespeare (je pense à l'entourage de Macbeth) de cette criminalité organisée par le pouvoir en place, par ceux qui sont censés détenir une autorité juste. Lutter contre eux est un véritable suicide, une plongée dans la tragédie...

Rimbaud non plus ne tranche pas sur l'accident ou le suicide: "Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté". En revanche, il parle de sa douce folie et de son innocence. Mais les personnes qui déraisonnent ne sont pas toutes agressives ou violentes. Parfois, elles subissent la violence des pires...

Je vous réponds sur mon blog, car il est impossible de le faire sur le vôtre.
Réponse de le 13/05/2013 à 21h45


De quelques précisions : 14 mai 2013

Bonsoir,

Premier surpris que vous ne puissiez répondre sur mon blog. J'ai vérifié les paramètres pourtant.

Je prends un peu de temps bien que très pris par l'écriture du "journal d'Hamlet" une création qui retrace:
- l'absence de deux mois entre la rencontre avec le spectre et le retour au début de l'acte 2 (départ de Reynaldo)
- l'absence d'un peu plus d'un mois entre l'exil pour l'Angleterre et le retour (scène du cimetière)
(l'article de Steve Sohmer sur mon blog est très intéressant à ce sujet.
Pour cette création, je fais l'hypothèse que Laërte n'est jamais allé en France, que Hamlet n'a jamais embarqué pour l'Angleterre (R&G ont été capturés par Fortinbras)et que Fortinbras est le demi-frère d'Hamlet...

Pour en revenir à la folie d'Ophélie, oui il est bien possible qu'il soit trop tard pour elle. Laërte voit une soeur qui ne se contient plus (en société) c'est ce qui lui fait tenir ses propos.
Ce qui fait, à mon avis qu'elle bascule dans la folie, c'est le discrédit qu'elle subit pendant la souricière par Hamlet. Il s'attaque à sa vertu - et s'il l'a déflorée, avec la mort de son père Polonius elle perd son sauf conduit dans la société. Avec la mort de Laërte on assiste à la déchéance des polonides pour reprendre l'expression d'André Green.
Donc l'article que vous citez dans le monde est un peu léger pour l'analyse, me semble-t-il: les rites tronqués symbolisent la déchéance des polonides. Ce n'est pas l'absence de sépulture pour son père qui la rend folle, mais avec la mort de son père (somme toute bienveillant pour ses enfants même s'il est calculateur)c'est sa déchéances qui va se produire.
Voilà comment je comprends les choses au regard du peu de choses que je sais sur la société élisabéthaine (le film "Shakespeare in love" même s'il est fantaisiste éclaire cette question de l'importance de la virginité avant le mariage. Mais peut-être vaut-il mieux se fier à la littérature. Malheureusement je ne suis pas assez cultivé (en toute sincérité)pour vous suivre sur ce terrain là.
Je me focalise sur Hamlet - une obsession!

Bien à vous, l'homme nubilé.

Sylvain
Commentaire n°2 posté par sylvain le 14/05/2013 à 00h04


Réponse de Christelle Bouley : 14 mai 2013

Bonjour,

Je vous remercie pour votre prompte réponse et pour vos analyses non dénuées d'intérêt. Je suis retournée sur votre blog et voici ce qui est écrit: "les commentaires sont fermés". Lorsque j'ai voulu écrire, cela n'a pas marché...
Je pense que ce serait une erreur de vouloir figer les interprétations dans le marbre. L'intérêt de ce texte est qu'il est mystérieux et polysémique à mon avis. C'est pourquoi on n'a cessé de le commenter sans fin.
Vous avez raison de dire que l'article du Monde est insuffisant pour l'analyse du personnage d'Ophélie. M'autoriseriez-vous à mettre votre article en lien également? Mais je trouvais qu'il avait l'avantage d'offrir quelques pistes et d'être assez succinct. J'aime beaucoup la partie qui parle d'Ophélie comme d'un Orphée au féminin. Cette expression me semble juste et bien trouvée.
A mon sens, c'est une somme de raison qui font qu'Ophélie sombre dans la folie. Le passage de la souricière ne me rappelle rien de précis. Hamlet me semble en général assez amoureux, mais cet amour ne peut fleurir dans cette ambiance morbide où la justice est absente. Or, la tragédie chez Shakespeare naît de ce piétinement de la justice des puissants. Je pense à Othello sous l'emprise d'une jalousie aveugle ou à Macbeth qui sème la terreur et fait couler le sang juste pour l'ambition.

Il me semble qu'on ne peut analyser Shakespeare sans observer aussi ses autres pièces et la dénonciation des passions incontrôlables. Comme de nombreux tragédiens (je songe à Racine), il s'attaque à la folie de l'ambition du pouvoir.
Ophélie sombre dans la déraison car elle est fragile (à mon sens). A aucun moment, elle ne s'oppose aux volontés de son père et de Laërtes qui ne veulent pas qu'elle épouse Hamlet car son rang est plus élevé et qu'ils craignent qu'il la délaisse. Or, Si Hamlet est distant c'est qu'un autre problème le remue, plus important encore que son amour pour Ophélie qu'il sacrifie, mais pas par méchanceté, simplement car il ne peut aimer dans de telles conditions. Le sens de l'honneur est très important à la fin du XVI, début du XVIIème. Pensons au Cid qui préfère venger son père plutôt que d'épargner le père de sa bien-aimée. Et si Rodrigue ne l'avait pas fait, il n'aurait pas mérité d'être aimé de Chimène. Pour Hamlet, le même problème me semble se poser : il doit régler la question de l'honneur de son père pour aimer. Or, Ophélie est à bout: elle doit supporter l'exil d'Hamlet, l'assassinat de son père par celui qu'elle aime, une atmosphère opprimante. Personne ne l'aide, elle est délaissée, livrée à elle-même. La nature est son seul refuge.

Cela dit, je ne dis pas que votre interprétation est fausse ou mauvaise. Ce qui me semblerait être une erreur, c'est de dire: "voilà la vérité" alors que la pièce est volontairement ouverte, qu'elle laisse place à de nombreuses interprétations.
Merci en tout cas pour ces échanges intéressants.
Réponse de le 14/05/2013 à 19h06





Écrit par horatio in love Lien permanent | Commentaires (0)

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