HORATIO

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24/11/2011

Conversation avec Michel Delville

Melun Le 20 novembre 2011

Monsieur, vous connaissez bien le hamlet de shakespeare, je n'en doute pas. J'aimerais que vous lisiez ce que j'ai mis sur mon blog. Ce n'est pas long et ça me rassurerait que vous soyez interpellés par cela.

D'avance merci et à bientôt, Sylvain

Réponse de Michel Delville: Le 22 novembre 2011

Cher Monsieur Couprie,

Merci pour le lien et pour l'info concernant ce nouvau projet de réécriture. A ma connaissance, la pièce a été réécrite selon de nombreux points de vue, mais jamais par le biais d'Horatio ... ou de Polonius d'ailleurs.

La méthode de l'enquête sur les différents personnages de la pièce et leurs motivations me semble toujours porteuse, et John Dover Wilson en reste un exemple éloquent.

Ma seule réserve (et elle n'est pas négligeable) concerne la tendance à tomber dans le piège de ce qu'on appelerait en anglais l"intentional fallacy" , celle qui postulerait que Shakespeare maîtrisait son sujet jusqu'au moindre détail. En effet, il n'est pas du tout déraisonnable de penser que tout ce qui nous apparaît à nous, lecteurs contemporains, comme des incohérences, des évidences (e.g., Hamlet ne peut pas ne pas avoir entendu Claudius hurler, etc.), ou encore des "clés" destinées à nous éclairer sur le sens de la pièce, soient le résultat de simples oublis et de négligences de la part de l'auteur ou du transcripteur. Quant au public renaissant, il n'avait pas les mêmes exigences en matière de réalisme et de vérisimilitude - il n'aurait pas été choqué par les incohérences qui taraudent certains critiques et écrivains. Tenter de déchiffrer l'oeuvre sur base de ces écarts serait par conséquent purement et simplement absurde ... une simple projection de nos attentes sur une oeuvre qui ne nous était pas destinée.

Prenez pour exemple les nombreuses discussions concernant d'autres incohérences concernant, entre autres, l'âge de Hamlet, lesquelles incohérences ne peuvent pas revêtir la moindre signification intentionnelle (à moins de se mettre dans la peau d'un Lacanien particulièrement créatif):

http://greenspun.com/bboard/q-and-a-fetch-msg.tcl?msg_id=006ZHt

Pourquoi n'en serait-il pas de même pour le reste?

Bref, toute réécriture réussie (et je vous souhaite à titre personnel beaucoup de succès dans cette entreprise!) n'a pas besoin, selon moi, de s'appuyer sur des arguments liés à l'intentionalité, à moins de décliner cela sur un mode ludique et générateur d'idées, sans pour autant prétendre élucider les énigmes de la pièce et résoudre une fois pour toute ses tensions et incohérences (je songe, entre autres, à celles qui sont liées à la thèse du suicide ou du matricide). Hamlet reste une pièce plus ambivalente (les interprétations divergentes peuvent coexister sans s'exclure mutuellement) qu'ambigüe - c'est certainement pour cette raison qu'elle continue à fasciner.

Bien à vous et en vous souhaitant bonne continuation!

Michel Delville

Melun, le 22 au soir:

Bonsoir,

Je vous remercie pour votre réponse si spontanée. C'est un grand soulagement
de trouver quelqu'un de "disponible". Je ne voudrais pas abuser de votre
temps, mais je dois avouer que je ne suis pas certain d'être celui qui
écrira un jour la suite du Hamlet de Shakespeare - sauf à m'entourer de gens
compétents pour le faire.

Pour l'heure, mon ambition est de publier cette critique du texte de Lacan,
Le désir et son interprétation - qui sans nul doute, rassemble toutes les
articulations qui permettent de donner suite à l'oeuvre de Shakespaere. Et
il y a plusieurs versions possibles; tout dépend du statut donné au Gosht
par exemple.

Vos remarques sont intéressantes: ça me paraît plus évident de faire parler
Horatio plutôt que Polonius pour une simple raison, c'est que Polonius est
mort - à moins qu'il n'est laissé un enregistrement de toute l'affaire (je
plaisante... quoique!). Par contre, ce qui n'est pas du tout écrit dans la
pièce, c'est que Rosencrantz et Guildenstern sont morts. Le metteur en scène
peut le décréter, et le Hamlet aura alors l'allure qu'il a actuellement et
tant mieux. Par contre, dans la perspective ou Horatio aurait à répondre des
actes du jeune Prince, le retour d'Angleterre des deux soldats pourait bien
provoquer des remous.

Mais je ne situe pas cette mort supposée de Rosencrantz et Guildenstern du
côté de quelques incohérences ou évidences. Les incohérences sont celles des
interprètes. Je veux prendre pour exemple la lecture/analyse qui est faite
sur Wikipédia (j'aurais pu choisir ailleurs):
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hamlet

Plus bas sur cette page, on peut lire:
"Horatio, ami d'Hamlet, n'est pas impliqué dans les intrigues de la cour.
C'est lui qui annonce au prince l'apparition du spectre de son père en
compagnie des deux courtisans, Marcellus et Bernardo (qui ont été les
premiers à le voir). Il reste le seul à survivre à l'heure du dénouement
pour pouvoir porter l'histoire d'Hamlet à la postérité et pour participer à
l'arrivée de Fortinbras."

Biensûr que Horatio est "impliqué". Et il n'est pas le seul à savoir ce qui
se passe à Elseneur. Il y a quand même là toute une foule de courtisans
venus assister au duel final, dont Osric. La question n'est pas de savoir
qui le premier a vu le Gosht mais ce qu'ils savent.

Car ni Horatio, ni Marcellus et ni Bernardo n'ont assisté à l'échange du
début entre Hamlet et le spectre. Pourtant Hamlet les menaces de les passer
à trépas s'ils parlent. Horatio doit se taire. Et il se taira quand Hamlet
fera avorter la play-scène, car Hamlet s'imisce avant la fin de la
représentation. Il intervient entre qui et qui? Entre Claudius et sa
conscience ou entre Claudius et le spectateur pour mieux détourner son
regard?

Je vais peut-être vous paraître naïf et peut-être que je tiens un discours
qui a fait l'objet de bon nombre de discussions. Mais comme vous l'avez
remarqué, c'est l'écriture du point de vue de Horatio qui est inovante. Mais
pas seulement. Je ne vise pas une réécriture de la pièce, ça n'aurait aucun
intérêt. Ce que je vise, au travers de l'écriture d'une suite, c'est une
interprétation inouïe. Quoique certains critique littéraire on déjà parlé de
suicide ou de matricide (je ne saurais vous dire qui tellement je suis
inculte sur le sujet). En tout cas, je ne cherche pas à exploiter les
incohérences pour arriver à la conclusion: c'est un matricide maquillé en
suicide. Ce sont les heurts à la lecture qui m'amènent à cette conclusion.

J'irai voir les incohérences liées à l'âge de Hamlet (il faudra que je fasse
confiance au traducteur de mon moteur de recherche parce que je ne maîtrise
pas la langue).

Cordialement à vous, S. C.

PS: m'autorisez-vous à publier nos échanges dans mon journal de blogueur?

Réponse de Michel Delville

Bonjour,

Je vous réponds rapidement car je suis entre deux réunions et en partance ... Désolé pour le malentendu concernant la réécriture - j'avais mal compris le sens du texte du blog. Je cite Polonius car j'avais déjà envisagé de le mettre au centre de la pièce, mais dans la cadre d'une réécriture, pas d'une sequel, bien entendu.

Merci pour votre réponse, encore une fois bonne continuation - je n'ai bien évidemment aucune objection à ce que ma réponse soit publiée sur le blog. je viens de la relire et remarque quelques fautes de frappe.

Bien cordialement, M. B.