HORATIO

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18/11/2013

This is Jemmett, the Dan.

Hamlet de Dan Jemmett à la Comédie Française.

Les occasions sont rares d’aller à la Comédie Française, tellement la culture arrive jusqu’à nos portes ou passe par la « fenêtre » (la boite magique) sans que nous ayons d’effort à faire en terme de déplacement.

C’est donc la première fois que « je vais au théâtre » dans une salle aussi prestigieuse, pour m’étonner que les places les plus chères soient dans la fosse contrairement à l’époque élisabéthaine – en référence au théâtre du Globe bien sûr. Bon, ceci dit, je ne voyais pas très bien du 2ème balcon sur la gauche. Les gens vont en avoir pour leur argent, ce Hamlet est bête, laid et vulgaire m’a-t-on dit.

A l’entracte, à la fin quelques « hou ! hou ! » de spectateurs interpellent d'autres spectateurs qui ne comprennent pas ces réactions. Les applaudissements sont nourris mais il y en a quelques uns comme moi qui sont sur la réserve : le travail et le jeu des acteurs mérite applaudissements certes, par contre l'adaptation, la mise en scène, le décor méritent vraiment les sifflets.

Il ne s’agit pas de discuter le choix de transposer le théâtre d’Elseneur dans un club-house des années 70, mais d’observer si cela créait un tout cohérent avec le texte poétique d’Yves Bonnefoy. La transposition dans une multinationale danoise par Michaël Almereyda est une réussite. Le langage précieux au 21ème siècle dans le Roméo et Juliette de Lurhmann est savoureux. Mais pour cela il a fallu enlever les mots « roi, reine, couronne » (words, words, words). Là, j’ai le sentiment d’un gros anachronisme. La dernière fois que j’ai vu un décor aussi sale, ça devait être dans un routier sur la route des vacances. Le juke-box, les pantalons pattes d’Ef’, j’ai rien contre, mais les références à Niobé, Hypérion, Priam, Hécube, etc. n’ont rien à faire là-dedans. Les monseigneur par-ci, monseigneur par-là n’ont aucun sens avec le discours d’Ophélie qui rapporte à son père l’intrusion d’Hamlet dans sa chambre, alors qu’elle est dans les pissotières.

Si je veux voir Ophélie crever dans les chiottes après avoir avalé des cachetons, je veux qu’on m’explique pourquoi, je veux comprendre pourquoi – sinon mieux vaut regarder Grease à la télé. Je veux la palper cette violence. Ce n’est pas seulement la cause de liasses de billets qui passent des mains de Claudius à Guildenstern pour qu’il lui tire les vers du nez au Hamlet. Ce sont des moments précis du texte de Shakespeare et qui n’y sont pas justement :
- Ce moment où Ophélie interpelle son frère avant qu’il ne parte pour la France et qui devrait nous faire douter de son amour ;
- Ce moment où Hamlet s’attend à rencontrer quelqu’un d’autre qu’Ophélie et ses souvenirs, quelqu’un qui l’a fait venir en secret et qui explique sa violence dans cette scène ;
- Ce moment où Hamlet retient le premier comédien pour lui exposer son plan, alors que Polonius n’est pas encore sorti de la scène ;
- Ce moment où Claudius évoque son plan au cimetière en compagnie de la reine…

Le programme a raison de parler de « scélératesse du couple royal ». Pourtant la représentation théâtrale orchestrée par Hamlet ne montre pas une reine « coupable », sinon d’adultère. « Il n’était pas besoin , mon seigneur, qu’un spectre quitte sa tombe pour nous dire cela ».

Je me suis toujours demandé, et je me demande toujours, comment interpréter le fait que Gertrude boive la coupe, alors que Shakespeare nous dit en long, en large et en travers qu’elle est sûrement coupable d’avoir orchestré le meurtre de son mari. Dan Jemmett, la fait venir au duel final complètement bourrée, ainsi elle se fait prendre au piège de Claudius, comme une bécasse. Dont acte.

Tout n’est pas à jeter dans la cuvette dans ce Hamlet. C’est la première fois que j’entends Hamlet répondre à Claudius qui lui demande : « comment s’appelle la pièce ? », Hamlet de répondre : « le piège de la souris ». Oui, c’est bien comme cela qu’il faut comprendre/entendre la souricière. Mais ce n’est pas comme ça qu’elle nous est représentée. Parce que de toute manière, il faut bien 4 heures pour en dérouler la substantifique mœlle. J’aurai du me méfier en retirant mes billets sur Internet lorsque j’ai lu « distribution en cours » à "deux heures" de la représentation. J’aurais du me dire : « - Tiens ! encore une pièce montée à l’arrache. »

***

Il est encore temps pour nous d’aller voir le Hamlet de Hugues Serge Limbvani. Il m'informe que son Hamlet sera joué à Rosny-sous-bois le 10 décembre 2013 à 20 heures à l'espace Georges Simenon.
http://www.rosny93.fr/article_texte.php3?id_article=4595

Hugues Serge Limbvani signe un Hamlet très riche d'enseignement pour notre culture européenne. Il réussit le pari d'adapter l'oeuvre de Shakespeare à la culture africaine. Il y parvient magistralement peut-être parce que l'oeuvre est devenue atemporelle et universelle, mais peut-être aussi parce que nos cultures sont structurées de la même manière.
Il m'affirme que son adaptation a évolué depuis la parution de ma critique sur mon blog http://horatio.hautetfort.com/limbviani/
Il ne tient qu'à nous d'aller vérifier. Pour ma part, j'ai fait du chemin aussi... Je suis allé voir du côté des sources de la pièce (Fratricide puni, Saxo Grammaticus, Belleforest, l'affaire Darley-Marie Stuart, in quarto de 1603). J'ai encore du pain sur la planche.
Dans la présentation du spectacle, Hugues Serge Limbvani prétend s'adresser aux jeunes adolescents. Cette prétention est fondée. Son oeuvre touche au cœur les jeunes gens et de manière simple (dans un climat qui rappelle Peter Brook). Et c'est une aubaine qu'il faut saisir - comme la compagnie La cordonnerie avec son (Super) Hamlet le fait pour les enfants dès 8 ans.
Longue vie à la Boyokani Company!


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