HORATIO

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/11/2020

LE DOIGT DU SINGE


« Le doigt du singe »


publié dans le recueil de nouvelles d’Isaac Asimov, Flûte, flûte et flûtes !, éd. Gallimard/FolioSF, 2008.

Cette histoire de science-fiction d’Isaac Asimov commence par une discussion entre un auteur de science-fiction, Marmie Tallinn, et son éditeur, Lemuel Hoskins. Le premier, très au fait des nouvelles technologies et des avancées de la science, veut persuader le second d’assister à une expérience scientifique du Dr Arndt Torgesson. Le Docteur a trépané un singe, qui désormais peut taper des Hamlets entiers de mémoire en apportant des corrections aux œuvres littéraires qui comportent des imperfections, telle celles de Shakespeare.
Marmie est persuadé que cette expérience prouvera à Hoskins qu’il a tort de vouloir lui faire changer la fin de sa nouvelle de science-fiction avant de la publier ; il veut qu’il insère un flashback au moment du dénouement final de son histoire, au moment où la tension du suspens est à son comble. Marmie s’y refuse et veut lui prouver qu’il a tort grâce à « ce système mis au point pour déterminer scientifiquement la valeur d’une œuvre littéraire ».
Ce n’est pas la prise à partie de la secrétaire ou la taxation de folie de l’écrivain par l’éditeur, mais le pari de payer la note au restaurant qui convainque Hoskins d’assister à l’expérience secrète et à rencontrer le chercheur en cybernétique.

Nous retrouvons donc les protagonistes de cette histoire dans le laboratoire d’une université du Massasuchetts, où le Dr Torgesson est persuadé que l’intelligence artificiel d’un ordinateur ne pourra jamais égaler celle d’un cerveau ayant subi quelques connections et qu’un tel cerveau peut parfaire l’erreur humaine d’un génie, qu’il soit auteur de théâtre ou de science-fiction.
Pour le convaincre, le Dr Torgesson présente à l’éditeur un exemple de restitution effectuée par petit Rollo, le singe « mélancolique » dont le cerveau a été modifié. La seule citation des premiers mots du célèbre monologue d’Hamlet, « To be or not to be…. », permettent au capucin de recréer intuitivement les vers qui en découlent et de restituer le monologue et l’œuvre toute entièrement.
Hoskins est loin d’être convaincu. Il pense tout d’abord que Marmie lui a tendu un piège en faisant usurper l’identité du Docteur par un complice, puis en constatant que petit Rollo ne connait pas son Shakespeare, car il n’a pas fait dire à son héros « Prendre les armes contre une foule de troubles » mais « Prendre les armes contre une mer de troubles ». Pour le Dr Torgesson c’est « une des rares erreurs de Shakespeare » corrigée par le singe, car effectivement, on combat une armée avec les armes.

Pour apporter « la preuve scientifique », le Docteur fait écrire le singe à deux reprises. Une première fois, c’est Hoskins qui choisit l’auteur. Après lui avoir cité le début d’un extrait de Lépente, le singe poursuit lentement l’écriture de l’œuvre romantique telle qu’elle a été écrite.

Convaincu de son bon droit, l’auteur de science-fiction accepte, pour la deuxième expérience, de dicter la fin de sa nouvelle pour faire constater à son éditeur que, comme lui, le singe va opter pour cette fin non interrompue par un feedback. Mais, si le singe écrit le texte mot pour mot, comme pour paraphraser le style, contrairement aux attentes de Marmie, il interrompe le récit par une ligne d’astérisques, et entame la rédaction du feedback réclamé par l’éditeur.

Cependant Marmie Tallinn parvient à vendre à son éditeur sa version de sa fiction en le persuadant que, comme Shakespeare savait le faire, il a la capacité de violer les règles de l’écriture mécanique en usant d’artifices littéraires pour remplacer des métaphores incohérentes.

La morale de cette histoire n’est pas expliquée par Isaac Asimov mais elle est contenue dans le dénouement. D’une part, Isaac Asimov montre par ce final que l’être humain est en capacité d’imaginer une fin qui défie toutes les lois, celles de l’écriture comme celles posées par les règles d’un jeu. D’autre part, après chacune de ses petites nouvelles, Isaac Asimov nous restitue une anecdote qui a contribué à la genèse de l’histoire, en l’occurrence pour Le doigt du singe, son incapacité à offrir autre chose que du texte à une très belle femme directrice de magazine. Ainsi la littérature n’aurait pas d’autre fonction que mettre de la poésie dans le déterminisme d’une chaine signifiante ? L’œuvre d’Isaac Asimov est empreinte de ce déterminisme religieux : c’est écrit ! Sauf que l’écriture, notre capacité au mensonge, montre le contraire.

Les commentaires sont fermés.