HORATIO

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12/07/2012

Du désordre... aux ordres du Père

Du désordre… aux ordres du Père : La problématique

La vengeance est-elle le motif principal de cette pièce ? Yannick Butel répond : « Si Hamlet est bien une pièce dont le fondement reste la vengeance c’est parce qu’elle est le motif et l’embrayeur d’autres problèmes. Moins centre que périphérie, l’étude du thème de la vengeance se décline donc sous d’autres motifs et « le fait qu’Hamlet s’abstienne de couronner son triomphe par l’acte de vengeance […] réclame de toute évidence une explication » [J. Dover Wilson, p185]. La vengeance devient ainsi moins explicative que problématique. » (p48)

Dès lors, poursuit l’auteur, on déplace vers l’auteur de la pièce, ce qui fonde les hésitations du prince et on légitime son inaction par rapport aux méditations de Shakespeare. Yannick Butel fait la même chose à propos de la folie dans la note 21 des bas de pages 77 et 78 – «Au regard de quoi nous pourrions avancer que si la folie d’Hamlet est feinte, celle de Shakespeare est peut-être bien réelle et qu’il faut juste le talent de l’analyste [A. Green] pour lui donner un autre nom. Autrement dit, si la folie de Shakespeare est prouvée, elle est vraisemblablement insinuée dans le personnage d’Hamlet. »

La deux personnages « schizoïdes », Hamlet et Shakespeare, seraient en proie à un conflit intérieur qui, dans l’esprit du fils, deviendrait une conception audacieuse pour l’époque : la supériorité du châtiment légal sur la vengeance. On est loin du dénouement. Le doute, les scrupules de conscience du prince se substitueraient à l’ordre - du père ou du spectre ? Telle est la question. Ainsi devons nous saisir le rapport entre la parole du spectre et la pensée d’un vivant. « A commencer par celle qui prête au spectre la qualité de réfléchir l’insoupçonnable chez Hamlet » (p50)

Hamlet devient la drame de l’usurpation, le drame de la succession, que Jean Paris inscrit dans « une esthétique du crime, dans le cycle de la tragédie où les fils vengent la mort des pères.(p51) » L’origine réelle du drame tient à la présence du spectre signe d’un désordre ancien. C’est le retour au pouvoir du jeune Fortinbras qui expliquerait le retard de l’action – pour que soit rétablit l’ordre des choses.

Sauf que cet équilibre est précaire. Il suffit d’imaginer la suite : l’accès au pouvoir d’Horatio, le retour de Guildenstern et Rosencrantz, la chute de Fortinbras, pour s’apercevoir que le raisonnement ne tient pas de bout – sauf à s’interdire d’écrire la suite comme le suggère Yannick Butel dès le début.

Le désir d’une tragédie :

Le spectre révèle la faute du fils. Ce qu’il pèse, c’est son sacrifice pour une cause qu’il n’a pas commise et dont il a hérité du père machiavélique qui exige non plus la justice mais rien moins que son salut. Plus tard, nous dit Yannick Butel, Jean Paris inscrira Hamlet du côté de la tragédie du désir où le spectre est révélateur du refoulement d’Hamlet, fils tourmenté par le désir pour sa mère, où se mêlent amour et dégoût. Le spectre tombe à point nommé. « Pour la première fois Hamlet rencontre un impératif dont la transcendance l’innocente. Il manquait à sa haine un mobil assez clair comme à sa colère le garant de la morale. Brusquement l’autre-monde vient à confirmer ce qui montait en silence à ses lèvres. (p52) » Yannick Butel site Jean Paris (Univers parallèles, Seuil, 1975, p49) sans nous préciser de quelle colère il s’agit.

Pour la critique psychanalytique, l’usurpation de Claudius est double. Le roi a volé à Hamlet son trône, la place auprès de la mère, et le geste du parricide. Le témoignage du spectre vaut moins pour la révélation d’un meurtre que pour l’aveu qu’Hamlet doit se faire vis-à-vis de sa nature incestueuse ; et c’est ce qui vaut à Claudius, de la part d’Hamlet, un sentiment de haine et de fascination empreinte de jalousie.

C’est dans un résumé - pour ne pas dire un verbiage - très confus et en contradiction avec le texte que Yannick Butel nous explique qu’Hamlet, officiant pour le spectre, ne peut échapper à la mort. « Il est possible d’affirmer que le prince n’aimait pas son père » ; « ce que contrarie le spectre, c’est la liberté du fils de vivre le deuil de son amour pour sa mère, à travers celui de son père » ; « ce qui vient à naître avec la révélation, c’est l’image de cette mère putain et comédienne où se brise le moi idéal » ; « attenter à la vie de Claudius, c’est pour Hamlet s’atteindre lui-même ».

La psychanalyse, ça devient l’art de vous faire dire le contraire de ce que vous pensez, l’art d’entretenir la confusion mentale, de culpabiliser le Sujet « assujetti à une libido inhibée ». Yannick Butel site beaucoup plus la parole du critique que le texte de Shakespeare. La parole est vidée de son sens ; ce qui est manifeste est ce qui se cache dans le manifesté. Ainsi, dans Œdipe Roi, ce n’est pas le désir de la mère qui pose problème au psychanalyste, c’est le désir pour la mère. Ce n’est pas Jocaste balançant son fils à la rivière qui pose problème, c’est le désir d’Œdipe pour une femme qu’il ne sait pas être sa mère.

Comme Hamlet nous devrions entrer dans une grande colère : pas une ligne sur la deuxième injonction du spectre.

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