22/01/2012
Entretien avec Martine Horovitz Silber
Interpellation de Martine Horovitz Silber, journaliste, le 08/01/12 :
Une recherche Internet sur Hamlet, et me voilà parachuté sur votre blog
http://marsupilamima.blogspot.com/?v=0#uds-search-results
Bonjour,
Puis-je vous suggérer la lecture de mes notes critiques du livre de John Dover Wilson, Vous avez dit Hamlet? sur mon blog http://horatio.hautetfort.com
Je suis un peu hommenubilé par cette critique en cours d'évolution!
A bientôt j'espère
Sylvain
Réponse de Martine Horovitz Silber dès le lendemain :
Mais avec plaisir....
Vous avez vu le Hamlet de Vincent Macaigne?
Si vous cherchez sur mon blog, il y a aussi celui de David Bobee, un peu plus ancien et peut-être d'autres, mais je ne sais plus parce qu'avant j'écrivais dans le journal Le Monde et je ne me souviens plus de ce que j'ai vu pour le journal ou pour le blog.
J'ai vu ça à Avignon cet été
http://www.avignonleoff.com/programmation/2011/public/E/enquete_sur_hamlet_5256/lieu/petit_chien_theatre_le-_566/
mais je n’ai pas été convaincue
Pour le reste, je n'ai pas trop d'opinion. Je n'ai pas lu le livre, mais surtout je ne comprends pas où vous voulez en venir. Ecrire une suite à Hamlet? Faire un travail d'auteur? de metteur en scène? de comédien? d'universitaire?
Bien à vous
Echange du 09/01/12 :
Bonsoir,
Et avant toute chose merci pour votre réponse. Je risque d'être un peu long mais je le fais aussi pour moi et pour clarifier mes idées, rassurez vous, même si j'apprécie de trouver des interlocuteurs.
Non, je n'ai pas vu le Hamlet de Vincent Macaigne. Pour ce qui est de celui de David Bobee, j'en ai vu des extraits sur ce site
http://www.festivalier.net/article-david-bobee-58261120.html
C'est impressionnant!
J'ai vu Hamlet en film (avec K Branagh), j'ai vu une version de la BBC et un enregistrement de la pièce au théâtre des Amandiers (un exemplaire à la fac de Paris 8). Et j'ai lu la traduction de François-Victor Hugo.
Je ne connais pas la pièce tirée du livre de Pierre Bayard, enquête sur Hamlet. Je comprends que vous n'ayez pas été convaincue. Le livre de Bayard s'inspire des travaux de Dover Wilson et du Dr Greg. Or si ces travaux sont remarquables sur certains plans pour un néophyte comme moi, il sont truffés d'erreurs d'interprétation, de manipulations, qui nuisent à la compréhension de l'histoire - sauf à vouloir faire entendre la version la plus communément admise (Hamlet veut et doit tuer Claudius).
Pour ma part tout est parti, il y a plus d'une dizaine d'années, d'une conférence de Marie-Hélène Roch (psychanalyste lacanienne) sur l'interprétation du désir selon Lacan. Je me suis mis à lire la pièce pour savoir de quoi on parlait. Et la première chose qui m'ait sauté aux yeux c'est que c'était du suicide pour Hamlet que d'accepter le combat avec Laërte. J'ai enchaîné avec les films dont je parle si dessus.
Enfin j'ai voulu approfondir en lisant le séminaire de Lacan. Là, j'ai été ahuri par les interprétations du psychanalyste. S'il s'attarde sur la question de la procrastination du personnage, des passages à l'acte, il fait peu de cas des intervalles où Ophélie et Gertrude meurent. C'était si impressionnant de la part d'un psychanalyste comme Lacan de ne plus coller au texte, que je me suis dit: l'enjeu de cette pièce était (inconsciemment ou non) d'éliminer Gertrude et de maquiller cela par le suicide du héro. S'il y en a un qui retarde l'action, c'est Shakespeare; il doit bien y avoir une raison.
J'ai présenté ma réflexion "clinique" devant la section clinique de l’ECFde Melun qui m'a répondu que c'était une bonne critique littéraire mais que ce n'était pas intéressant d'un point de vue psychanalytique - possible!
Dix ans plus tard, j'ai envie de sortir mon texte du placard, je l'envoie à 4 éditeurs et j'étudie la question de l'auto-édition. Je créais ce blog sur hautetfort et je commence à communiquer sur le sujet. Michel Delville me répond et me conseille la lecture de Dover Wilson. Ce que je suis en train de finir. D'une part je m'aperçois que ma critique de Lacan mérite d'être revue et corrigée, d'autre part Dover Wilson se permet des interprétations fallacieuses. Et malgré cela il passe pour un maître en la matière.
Ma lecture critique de Dover Wilson m'a appris plusieurs choses:
- Horatio et les gardes ont vus le spectre mais ils ne l'entendent pas. Hamlet tient Horatio par les couilles en le faisant jurer par trois fois. Horatio ne bronchera pas après la play-scène.
- Claudius, à la fin de la play-scène, se lève outré non parce qu'il vient de voir l'assassinat de Hamlet sous les traits de Gonzague, mais parce que Hamlet fait jouer le rôle de neveu à Lucianus, ce qui met Hamlet dans une relation incestueuse avec sa mère.
Je vous passe l'ensemble des détails qui méritent qu'on s'y arrête et qui appellent une lecture toute nouvelle de la pièce - si ça n'a pas déjà été fait. J'avais déjà rassemblé quelques éléments sur cette page:
http://horatio.hautetfort.com/introduction/
Maintenant pour répondre à votre question: où est-ce que je veux en venir?
Je dirais que je suis persuadé qu'il est possible d'écrire une suis au Hamlet de Shakespeare. Il nous reste:
- Horatio que Hamlet charge de raconter son histoire.
- Fortinbras qui ne demande que ça et qui risque de ne pas être dupe.
- Une flopée de courtisans qui ne demandent que ça de l'enfoncer ou de dire la vérité.
Le projet est tout à fait sérieux comme vous pouvez vous en douter maintenant. Je ne serai peut-être pas celui qui le portera mais je suis celui qui en a eu l'idée. Je ne suis en tout cas pas en capacité d'écrire dans la langue de Shakespeare. C'est peut-être ce qu'il ne faut pas chercher à faire. Je suis en train de résumer la pièce tel que je la comprends (voir blog).
Je vais ensuite me mettre au travail sur un résumé de ce qui pourrait être la suite: le procès de Horatio, qui démontrera:
- que Horatio s'est fait piéger dès le début! (Bernardo peut en témoigner)
- que Hamlet est passé à l'action en écrivant cette lettre d'amour déplacée à Ophélie! (les lettres comme preuve)
- que Polonius, pour ne pas révéler son secret, a attribué les raisons de la folie de Hamlet à son amour déçu pour sa fille.
- que Hamlet n'avait aucune raison de prendre Polonius pour Claudius dans la chambre de la reine (puisqu'il venait de le croiser en prière) (les gardes peuvent témoigner, ils ont entendus Polonius appeler à l'aide)
- pourquoi en aurait-il voulu a Claudius? Il le soupçonnait d'avoir tué son père? Quelqu'un a-t-il entendu les paroles du spectre? Non! Hamlet a-t-il expliqué la façon dont son père aurait été tué? Non! pas même à Horatio. Claudius en a-t-il parlé à quelqu'un? Gertrude? Non!
- Qu'est-ce que Polonius faisait seul avec Gertrude? N'était-ce pas la place de Claudius? (Que dit la rumeur?)
- Hamlet aimait Ophélie! Faux! il a écrit cette lettre pour sonder son entourage, et notamment Polonius qu'il soupçonnait d'avoir eu une relation avec sa mère du vivant de son père. Quand Ophélie lui a rendu ses lettres il a compris que sa mère était derrière tout ça (contrairement à ce qu'elle annonce au cimetière elle n'avait aucune intention de la marier à son fils).
- Hamlet a réussi à prouver que Claudius était le meurtrier en faisant venir la troupe de théâtre. Faux! A la pantomime, il ne s'est rien passé, au prologue rien, pendant le meurtre de Gonzague, on ne sait pas ce qui lui à pris de dire que le neveu du roi voulait épouser la reine! Le roi outré est sorti. Par contre à cette représentation tout le monde à pu le voir afficher son mépris pour la reine. Polonius a sauvé la face. (Qu'on fasse venir cette troupe de théâtre pour rejouer la scène)
- Claudius est à l'origine de ce déferlement de violence! N'a-t-il pas voulu faire éliminer Hamlet en l'envoyant en Angleterre après le meurtre de Polonius. Faux! la décision était prise après la rencontre avec Ophélie dans la galerie. (Rosencrantz et Guildenstern peuvent en témoigner, ils n'ont pas été éliminés par les anglais)
- Hamlet a tout fait pour protéger sa mère. Faux! Quand il quitte la chambre de sa mère en traînant le corps de Polonius, il lui demande: elle sait pour l'Angleterre. Lors du duel, Hamlet s'aperçoit que l'épée de Laërte est démouchetée. Lorsqu'il entend Claudius hurler à la reine: "ne buvez pas", Hamlet comprend que la coupe est empoisonnée. Il la laisse boire.
- Pourtant, à la fin, quand il tue Polonius il lui crie "-va en enfer" Non! Qu'est-ce qu'il lui a dit? Qu'est-ce qu'il lui dit à ce moment là? Il lui dit "suis ma mère!"
Il y a de quoi perdre la tête, n'est-ce pas?
Merci pour votre attention!
Sylvain
Réponse de Martine Horovitz Silber le jour même :
C'est assez passionnant, effectivement.
Pour compléter, Pascal Bély (le site festivalier.net) que vous mentionnez a écrit cet été sur le Hamlet de Macaigne (au moins, j'aurais laissé un beau cadavre) qui se jouait encore récemment à Chaillot. Moi aussi j’y étais, mais il faisait si froid que je suis partie à l'entracte, ce que je ne fais jamais....C'est peut être en tournée (voir sur théâtre-contemporain.net, il y a beaucoup de vidéos et les dates).
Bobée, j'en ai parlé aussi
http://www.blogger.com/blogger.g?blogID=8055383624908539218#editor/target=post;postID=2079788401037102319
et le DVD vient de sortir chez Axe sud...(pas actes sud)
Il y en a souvent des Hamlet donc des interprétations, exploitations, explorations. Je ne sais pas si ça peut vous aider ou vous égarer....
Je n'ai pas vu celui là
http://www.theatre-odeon.fr/fr/documentation/archives_saisons_passees/les_saisons_passees/saison_2010_2011/accueil-f-363.htm
mais j'ai vu celui là
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Un-Hamlet-qui-decoiffe-au-Festival-d-Avignon-_3639-666526_actu.Htm
Je vous cite un peu au hasard ces mises en scène parce que je crois sincèrement qu'on ne peut se contenter du texte écrit et donc traduit. Chaque adaptation joue sur les traductions...Mais aussi parce que le théâtre, c'est fait pour être vu, pas lu. Pas seulement lu....
Bon courage, je reviendrai faire un tour....
Dernier échange du 10/01/2012 :
Bonsoir,
Merci pour ces liens. Celui sur Blogger (en rapport avec Bobée) ne fonctionne pas.
J'ai l'intention demain d'aller voir ceci, pour me refamiliariser avec la pièce:
http://www.etoiledunord-theatre.com/theatre/index.php
Je viens de recevoir une alerte Google qui parle d'une version de la troupe Egyptienne "Ettalia" mise en scène par Houcine Mahmoud:
http://www.tap.info.tn/fr/fr/culture/16298-une-adaptation-moderne-de-la-piece-hamlet-de-shakespeare-au-theatre-municipal-de-tunis.html
Leur résumé sur la déchéance de l'image de la mère fait écho à mes analyses même si ça ne dit rien sur le contenu et l'interprétation.
Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il y a autant d'interprétations qu'il y a de metteurs en scène. Il y aurait nécessairement une grande différence d'approche entre une bande de lycéens et une troupe professionnelle expérimentée qui voudraient monter la pièce. Il faut bien reconnaître tout de même qu'une interprétation à la K. Branagh rend la suite telle que je la conçois encore plus croustillante - et c'est possible parce que les éléments sont dans le texte. J'imagine que ça doit embarrasser bien des metteurs en scène et des acteurs d'ailleurs.
Je pense cependant que le type d'aliénation réservé aux personnages aura une grande influence sur la qualité d'interprétation de la folie! C'est certainement chose pas facile à jouer.
Je vous rends à vos occupations. Cordialement à vous!
Sylvain
Echange du 21 février 2012
Bonjour,
Je viens de mettre sur mon blog à cette adresse un résumé de la pièce qui met l'accent sur les détails qui le plus souvent passent à la trappe.
Si vous en avez le temps merci de me donner votre avis
http://horatio.hautetfort.com/archive/2012/01/09/resume-de-hamlet.html
Cordialement à vous
Sylvain
Réponse de Martine Horovitz Silber le 3 mars 2012
Je vais regarder mais quel boulot!!!! ça frise l'obsession....
20:26 Publié dans B - ENTRETIENS, Martine Silver | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : martine silber, hamlet | Facebook